Tous les acteurs ont vu l’image écornée par l’activisme politique très peu vendable à l’ère de la rupture. Le renouvellement de la classe politique, le presque ‘’dégagisme’’ que vit le Bénin depuis 2016 a été impitoyable pour beaucoup. L’espace politico-socioculturel est si asséché qu’à 5 mois de la prochaine présidentielle le Bénin s’interroge sur le visage qui en pair ira avec Patrice Talon à ces joutes. Dans le septentrion, Mariam Chabi Talata Zimé, semble s’afficher en avançant sans crier gare.
C’est dans son bureau des locaux de l’Assemblée Nationale que la première vice-présidente accepte de nous recevoir. Entre deux cérémonies qu’elle préside en cette matinée de samedi, on va être introduit par un protocole, presqu’inexistant. Un protocole fait de secrétaire particulier, d’assistant et de gardes du corps. Mariam Chabi Talata Zimé Yérima, c’est la simplicité importée dans les hautes fonctions républicaines. Son entourage, un mélange de plusieurs éléments issus de différentes promotions de ses anciens élèves. On aura au total un entretien de 17 minutes. Assez pour celle qui, ce jour-là, doit dire un discours au parlement des jeunes en clôture de session.
Populaire, respectée, mais pas que
Mariam Chabi Talata Zimé, pour beaucoup, n’est que première vice-présidente de l’Assemblée Nationale. Une législature dont la mise en place n’a pas été pour le Bénin démocratique le meilleur moment. Le numéro 2 du parlement est justement écorné en termes d’aura par son appartenance à cette 8ème législature. Au-delà du parlement, c’est même son appartenance à la rupture qui lui retire des points dans le septentrion. Une zone toujours sous l’emprise et l’influence de l’ancien président Boni Yayi. Qu’à cela ne tienne !
La vice-présidente de la huitième législature reste très populaire. Elle est respectée, adoubée et même vénérée des milieux d’influence féminine. Elle a aussi une côte et un positionnement considérable dans les coulisses intellectuelles des quatre départements du Nord et même des Collines. Elle y est perçue comme l’une des rares figures encore farouchement engagées en faveur d’une société équilibrée entre émancipation et conservation des acquis d’une tradition dont elle est fière.
Le féminisme, selon Talata Zimé
La première vice-présidente du parlement béninois est une militante singulière des causes féminines. Son combat du genre, elle le mène à contre-courant. Quand la plupart des féministes trouvent dans la tradition, les éléments d’iniquité sociale, la vice-présidente du parlement trouve qu’il faut la mettre en avant. C’est le cas des royautés bariba avec des palais où la femme est plus que consacrée, placée au cœur du pouvoir traditionnel. Elle a à son actif sur le sujet un documentaire intitulé : « Yon Kogui, l’impératrice du Baru Tem ».
Mariam Chabi Talata Zimé Yérima, c’est également une intraitable de la rigueur. Qui des jeunes générations aurait pu oublier la purge d’enseignants et élèves indélicats qu’elle a infligée au collège Hubert Koutoukou Maga de Parakou dans les années 2000. Quid aussi de sa particulière opposition à la gouvernance Yayi dont elle n’a eu de cesse de dénoncer les tares tout le long de ses 10 ans de mandat ?
Parvenue politique ? Non
Le parcours politique de Mariam Chabi Talata épouse Zimé Yérima est méconnu des Béninois. Elle est perçue comme cette suppléante parvenue à ses fins grâce au désistement du ministre de l’Intérieur Sacca Lafia à l’issue des législatives de 2019. Pourtant, la première vice-présidente de l’Assemblée Nationale, coordonnatrice Borgou de l’Union Progressiste, a un parcours loin d’être celui d’une parvenue politique. Cette ancienne icône de l’Alliance Soleil a, pour plus d’un mandat, siégé au conseil municipal de Parakou. Elle aura été à ce titre, présidente de l’UFeC/ABC (Union des femmes élues locales de l’Alibori, le Borgou et les Collines). Avec l’UFeC/ABC, elle a une tribune pour asséner son message de revendication de représentation égale homme-femme sur les listes des partis politiques à l’occasion des joutes électorales. Le réseau se mue aussi en rempart des couches vulnérables, surtout les jeunes filles. Le début d’un encrage politique, d’une visibilité et d’une influence qui va conquérir les cœurs, d’autant plus que les initiatives de Mariam Chabi Talata se mènent dans la discrétion, loin de la fanfaronnade politique qui agace les populations.
Cet activisme politique à forte connotation féministe et culturelle n’est pas le seul combat de l’enseignante de philosophie. Parallèlement, elle est engagée sur le front de l’enseignement. Professeur des lycées, censeur, elle est faite conseillère pédagogique avant de finir au Ministère de l’Enseignement Secondaire et de la Formation professionnelle en tant que Directrice Nationale de l’Enseignement Secondaire, poste qu’elle va quitter pour le parlement.
Une « taloniste » revendiquée
Dans le septentrion, les têtes de pont politique ont soit basculé dans la clandestinité et le silence politique, soit changé de camp. Beaucoup ont embrassé le ‘’talonisme’’ à contrecœur, certains bon gré. La première vice-présidente du parlement fait partie de cette dernière classe de politique en harmonie avec le règne de l’actuel chef de l’État. Sa présence aux côtés de Patrice Talon dans sa première tournée nationale dans le Nord du pays n’est donc pas une surprise.
Sous Yayi, Mariam Chabi Talata n’a eu de cesse de dénoncer le pouvoir exorbitant de l’argent. La lutte farouche contre la corruption, l’assainissement de la classe politique, le rajeunissement de celle-ci et le plus de chance offerte aux femmes par les dispositions constitutionnelles actuelles sont les éléments qui préoccupent l’élue de Parakou. Talon et elle politiquement c’est un tandem dont elle sait jusqu’ici tirer avantage en termes d’aura.