A six mois du scrutin présidentiel (11 avril 2021), le chef de l’État béninois pourrait être appelé à défendre son bilan jugé élogieux par ses proches. Pourtant, le vol de celui qui rêvait d’être pilote a connu des turbulences.
20, c’est le nombre de malades mentaux errants, que le gouvernement a récupéré dans les rues notamment à Cotonou, la capitale économique, mercredi 07 octobre. Ils vont bénéficier d’une prise en charge et regagner leurs familles respectives. L’an dernier, lors de la phase expérimentale de cette initiative, 45 personnes ont pu être réintégrées. Toutes ces opérations se sont déroulées sans tambour ni trompette. C’est un peu cela la marque Talon.
Patrice Talon, au début de son quinquennat, décide de la création effective des 12 départements. Pendant plus de deux décennies, aucun président de la République n’avait franchi le rubicond. Kandi, Dassa, Pobè, Aplahoué, Djougou et Allada deviennent chefs-lieux de départements. Le chef de la rupture essuie certes des critiques. Mais en rapprochant l’État de ses administrés, il est félicité par presque toute l’opinion publique, même les opposants à son régime.
L’empreinte Patrice Talon
En voulant être porté en triomphe, le patron de la rupture tranche par son mode de gestion, prend des décisions qui fâchent, des décisions parfois iconoclastes. En début de mandat, il n’est pas ébranlé par ses opposants qui trouvent que la boussole de son quinquennat tarde à être rendu disponible. En décembre 2016, il décide de révéler le Bénin avec son programme d’actions du gouvernement (PAG). La suite, on la connaît. Les populations ont accès à l’eau, le délestage semble être maîtrisé. Mais Patrice Talon ne supporte pas le cadre de vie peu attrayant de certaines grandes villes. Il leur propose l’asphaltage. Des rues bitumées et pavées voient le jour à Cotonou et à l’intérieur du pays alors qu’un programme de ramassage d’ordures a démarré dans le Grand Nokoué.
Le président de la République a toujours donné l’image de quelqu’un qui ose prendre des décisions, sans craindre d’être impopulaire. Déjà en début de mandat, il annule des concours jugés frauduleux par la société civile, des entreprises qualifiées de budgétivores sont liquidées. Osée était aussi sa volonté de faire un mandat unique même s’il finit par buter sur le refus de l’opposition.
Révolution numérique
Pour autant, le chef de l’État réforme une démocratie qu’il juge pagailleuse. La suite, les observateurs ne sont pas sûrs qu’il y aura plus de dix candidats au prochain scrutin présidentiel. Le nombre de partis politiques a drastiquement diminué. Patrice Talon se fiche qu’on lui oppose que les partis politiques peuvent se créer à la pelle, comme l’a souhaité la conférence nationale des forces vives de février 1990.
30 ans après cette réunion qui a jeté les bases du renouveau démocratique, le Bénin semble en tout cas s’être véritablement lancé dans la dématérialisation de son administration. Le fait paraît banal mais les candidats aux examens de l’année scolaire 2019-2020 ont pu avoir leur résultat sur Internet. Il en est de même pour les demandes de visa et bien d’autres services où vous n’avez plus besoin de voir un commis de l’État.
Plus besoin de voir ou presque, un commis de l’État dans la filière coton. Le Bénin en est devenu le premier producteur en Afrique. Si d’aucuns s’interrogent sur ce que l’État gagne dans l’or blanc, les cotonculteurs, eux, se frottent les mains. De même, le Bénin est devenu un pays à revenu intermédiaire. Selon le FMI en avril dernier, après une forte croissance économique de 7% en 2019, celle-ci devrait chuter à 3,2% cette année, en raison de la Covid-19 et de la fermeture des frontières avec le Nigéria. Selon la Banque mondiale, le taux de pauvreté est de 38,2% en 2020 contre 40,1% en 2015.
Dérives dictatoriales ?
Il est difficile pour les opposants d’attaquer Patrice Talon dans ses réformes. Ces derniers critiquent parfois sa méthode jugée cavalière. Patrice Talon prendrait l’État comme s’il était encore chef d’entreprise. Les opposants dénoncent des réformes conduites au pas de charge. « Ces réformes n’ont pas donné les résultats que le pays attend, mais des résultats que eux ils attendent », critique Joël Aïvo, probable candidat au scrutin présidentiel, cité par le site Crystal News. Les opposants se contentent ainsi de dénoncer un programme mal exécuté sans une alternative crédible. Un peu comme si Patrice Talon a mis la barre haut, beaucoup trop haut.
Pour le reste, ils accusent la rupture d’avoir instauré un système de parti unique. Les élections communales de mai dernier ont conduit à l’élection de 77 maires dont 71 sont proches du pouvoir. Le parlement est composé exclusivement de partis aussi de la mouvance. La Cour constitutionnelle et la haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC) sont présidées par des personnes nommées par Patrice Talon. Jamais, les voix discordantes n’avaient été si atones et aphones au Bénin.
Ce tableau est aussi perçu à l’extérieur alors qu’Amnesty International a dénoncé la dégradation des droits humains lors des dernières législatives. Il y a quelques jours, l’office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) suspend le Bénin de sa liste de pays d’origine sûrs. Comme pour dire que les droits de l’Homme sont foulés au pied au Bénin. Mais Patrice Talon, lui, vole dans le ciel béninois, loin des critiques. La presse révèle que le pays s’est doté d’un avion à hélice de 56 places. De quoi peut-être assurer un meilleur atterrissage lors de la prestation de serment en mai 2021.