Médaillée de bronze aux mondiaux d’athlétisme en salle à Glasgow, Noélie Yarigo était face à la presse ce jeudi. Occasion pour elle de revenir sur les contours de sa superbe performance. Aussi, à ce rendez-vous à bâton rompu, elle a évoqué sa préparation qui a précédé ce sacre ; son futur et les prochaines étapes de sa carrière.
Par ailleurs, la Guéparde du pendjari (comme elle s’est surnommée) n’a pas tari d’éloges envers son nouveau coach. Selon elle, Valentin Anghel (de nationalité roumaine, ndlr), a été d’un grand apport pour elle dans l’atteinte de cet objectif.
Et comme on pouvait s’y attendre, Noélie Yarigo a utilisé cette tribune pour être reconnaissante envers tous ceux qui la critiquaient et qui la traitaient de « vieille. Ça m’a rendu plus forte parce que je me suis dit que j’allais travailler très dur et prouver que l’âge n’était qu’un concept et que rien ne pouvait arrêter une femme motivée » a-t-elle déclaré.
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Journaliste : quels sentiments vous animent aujourd’hui après cette performance une fois de retour sur la terre de vos aïeux ?
Noélie Yarigo: Aujourd’hui, je rentre avec beaucoup de fierté parce que j’ai travaillé dur pendant 08 ans à la quête de cette médaille. À chaque fois, je me suis arrêtée à l’étape des demi-finales. C’est vrai, ça n’a pas été facile. J’ai dû me remobiliser pour aller chercher. Quand je vais et que je m’arrête en demi-finale, ce qu’on me dit : « Tu es vieille, tu ne peux pas réussir », ça aurait pû me déstabiliser. Mais moi, ça m’a rendu plus forte parceque je sais ce que je faisais à l’entraînement. J’ai toujours cru à mon coach. Je sais ce que j’avais dans les jambes. Je suis allée vraiment chercher cette médaille parce qu’elle comptait vraiment pour moi.
Journaliste : la presse, la société, … n’ont pas été tendres envers vous sur vos précédents échecs. Pensez-vous que ces critiques ont contribué à quelque chose dans votre progression?
Noélie Yarigo: Justement ça m’a rendu plus forte parceque je me suis dit que j’allais travailler très dur et prouver que l’âge n’était qu’un concept et que rien ne pouvait arrêter une femme motivée.
Journaliste : Noélie a changé de coach. Qu’est-ce qui a motivé cette rupture avec l’ancien (Claude Guillaume, ndlr) et qu’est-ce que le nouveau a-t-il apporté dans votre carrière?
Noélie Yarigo : Mon nouveau coach Valentin , il n’est pas que mon coach, il est tout pour moi aujourd’hui. Il est comme mon psychologue, il est comme un frère, il est comme un père. Le premier jour quand je l’ai rencontré et j’ai demandé à rejoindre son groupe la première question que je lui ai posé c’était : « Coach pour être honnête est-ce que je peux encore progresser ? » et il a sourit. Il est allé sortir un gros livre avec plein d’exemple de filles plus âgées que moi qui avaient réalisé des performances incroyables. Et il m’a dit: « ça ne va pas être facile mais si tu es motivée on peut aller ». Chaque fois, il me motivait et me disait que je pouvais réussir. Il a été toujours là même quand ça n’allait pas. C’est ce qui m’a d’ailleurs permis de changer mon mental, de savoir que je peux affronter toutes les situations pour pouvoir réussir.
En ce qui concerne mon ancien coach, il s’est déplacé au Kenya et moi çà me coûtait trop cher de faire des allers-retours pour m’entraîner au Kenya parceque mon budget ne me permettait pas de faire ça. Mon coach que vous voyez, son épouse est aussi une athlète de très haut niveau qui fait du 1500m. Je me suis dit ça va être une bonne combinaison et j’avais besoin de partenaire d’entraînement. Déjà j’avais rencontré le coach lors de plusieurs meetings, je me suis dit, il faut que je tente ma chance pour voir ce que ça allait donner. C’est vrai que j’appréhendais beaucoup quand je l’ai contacté parceque je me suis dit est-ce que ce n’est pas un risque? Est-ce que je vais pouvoir m’en sortir ? Parce que ce n’est pas facile de changer de coach. Il faut qu’il s’adapte à vous. Il faut qu’il apprenne à vous connaître. Mais avec lui l’adaptation a été vraiment simple. Il a réussi à me ramener à mon meilleur niveau la première année et puis la deuxième année, j’ai explosé mon record. Aujourd’hui vous voyez le résultat, « la belle médaille ».
Journaliste : quel était votre objectif en allant à cette compétition ?
Noélie Yarigo: Pour être honnête, en allant à cette compétition, je savais que j’étais en forme. Au 800m, on ne peut jamais prédire ce qui peut arriver. Mon objectif, c’était de passer le maximum de tours et d’arriver jusqu’à la finale. Parce que ce je savais que si j’arrivais en finale, j’allais tout donner pour aller chercher cette médaille. Et c’est ce que j’ai d’ailleurs fait pour m’en sortir.
Journaliste : on vous sent un peu absente sur des compétitions pour défendre les couleurs nationales. Notamment les jeux africains qui se déroulent actuellement à Accra
Noélie Yarigo: J’ai été toujours présente quand je peux, parce que moi je ne choisis pas les compétitions. Je me suis toujours rendue disponible à chaque fois qu’on m’appelle pour défendre les couleurs de mon pays. En ce qui concerne les jeux africains actuellement en cours, avec mon coach, on avait décidé de se concentrer sur la préparation du championnat du monde, aller chercher cette médaille. Vous savez que ce n’est pas facile de récupérer après une grosse compétition comme ça. Émotionnellement d’abord et puis physiquement. Moi, ça me prend beaucoup de temps après une compétition, après avoir enchaîné trois courses comme ça, il faut être à 100% pour une autre course. Je ne veux pas prendre le risque de m’aligner sur une course si je ne suis pas sûr d’être à 100% de mes efforts.
Journaliste : Noélie Yarigo est-elle qualifiée pour les JO de Paris 2024 ?
Noélie Yarigo: Le championnat du Monde de Glasgow est qualificatif pour les jeux olympiques. Actuellement, je suis 16è sur le plan mondial. Vous n’êtes pas sans savoir qu’il y a deux modes de qualification pour les jeux olympiques. Le mode de ranking et puis les minima directs. L’année dernière, j’ai fait 1’58 », mais c’était un mois avant la période qualificative. Là, je suis qualifiée pour les jeux olympiques, vous n’avez pas à vous inquiéter ( Rires).
Journaliste : pensez-vous déjà à l’après carrière vu votre âge ?
Noélie Yarigo: Je ne pense pas m’arrêter. Je pense que c’est le début d’une nouvelle aventure avec l’avènement de cette médaille. Je suis très motivée pour aller briser d’autres barrières. Pour l’instant, moi, je ne veux pas me projeter dans l’après carrière. Je n’ai que 38 ans, je n’ai pas encore 40 ans. Je vis au jour le jour. Pour l’instant, je veux me concentrer sur la préparation des jeux olympiques et après on verra. C’est vrai que j’ai des plans dans ma tête mais pour l’instant je n’ai pas envie de me disperser parce que là je suis encore active. C’est difficile de tout faire au même moment donc je préfère prendre étape par étape. Au moment opportun vous le saurez.
Journaliste : pouvons-nous avoir une idée de votre agenda après ceci?
Noélie Yarigo: Après Cotonou, on part directement en altitude à Sera Nevada qui est à 3200m d’altitudes. C’est comme si on était au Kenya. Vous savez que quand on est en altitude, l’entraînement devient beaucoup plus difficile parce qu’on est tout le temps en manque d’oxygène et quand on redescend c’est beaucoup plus facile pour nous. Donc on part en stage de deux mois en altitude pour pouvoir mieux nous préparer.
Journaliste : bientôt les championnats Ouest-africains d’athlétisme et d’autres sur le continent. Vous y serez ?
Noélie Yarigo: Je pense que je serai prête. ( Le coach vous en dira peut-être un mot plus tard). Je retourne d’abord travailler pour pouvoir être prête à ces événements. Je suis là pour défendre les couleurs de mon pays. Je vais mettre toutes les chances de mon côté pour pouvoir être en forme au moment opportun.
Journaliste : l’armée. Qu’est-ce que ça vous dit aujourd’hui ?
Noélie Yarigo: L’armée a fait de moi une guerrière, « la Guéparde » que vous connaissez. Je pense que c’est de l’armée que je tiens cette rage, l’envie de ne jamais abandonner. Je tiens à remercier vraiment ma hiérarchie qui m’a permis de sortir des rangs pour me mettre dans un cadre favorable pour pouvoir mieux m’entraîner.
Journaliste : si on vous demandait de lancer un appel à la jeunesse béninoise notamment aux filles. Que diriez-vous ?
Noélie Yarigo: Aujourd’hui, j’aimerais dire qu’il n’y a que notre destin qui puisse juger notre incapacité à réussir. Si vous êtes vraiment motivé, vous pouvez réussir. Vous allez tomber 1000 fois mais n’abandonnez jamais. Relevez vous toujours et travaillez dur ça paiera un jour.
Journaliste : pensez-vous qu’il y aura une relève après vous?
Noélie Yarigo: Je pense qu’il y a vraiment des athlètes ici qui peuvent valablement me remplacer. Mais, vous devez leur donner du temps, vous devez être patients parce qu’on ne fait pas un champion en deux jours, on ne fait pas un champion en deux ans, c’est un long processus. Je pense que demain, je serai fière de voir mes jeunes sœurs emboîtées mes pas. La fédération est déjà entrain de faire un énorme travail pour rendre cela possible.
Journaliste : courrir sur la piste et Courrir en salle, lequel est plus facile ?
Noélie Yarigo: En salle, c’est très difficile. C’est très difficile de réaliser des performances en salle parceque la piste elle fait 200m, et à part ça il y a assez de virages. Dans les virages, on est obligé de ralentir à tout moment, on n’arrive pas à garder la même vitesse. C’est difficile de gérer l’effort en salle par rapport à une piste de 400m où tu sais à quel moment il faut accélérer. Dans les virages par exemple on ne peut pas doubler, c’est impossible.
Journaliste : on avait appris que la France était sur le point de faire de vous une de ses athlètes. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Noélie Yarigo: Oui, effectivement c’est vrai. Ce n’est pas faux mais moi je suis patriote, j’aime mon pays, j’ai toujours tenu à défendre les couleurs de mon pays quoi qu’il arrive. Ne vous inquiétez pas je suis une guéparde, je suis une béninoise et je resterai toujours béninoise.
Journaliste : Noélie Yarigo est toujours en larmes. Est-elle si faible émotionnellement ?
Noélie Yarigo: Les larmes (rires) . Avant ça me faisait mal quand on me traitait de vieille. Mais aujourd’hui, ça ne me dit plus rien puisque je pense que ces gens là n’ont rien compris. Ils ne connaissent pas ce que c’est que le sport. Je pense quand on échoue ou quand on réussit, c’est la même motivation. Personne ne demande à échouer dans cette vie. Nous sommes tous bosseurs dans cette salle mais on n’a pas la même chance. Ces larmes, c’est que j’ai juste pensé à mes années de souffrances. À Glasgow, quand j’ai traversé la ligne d’arrivée, (d’ailleurs je ne croyais même pas), je me demandais est-ce que c’est vrai ? est-ce que je ne suis pas dans un rêve ? Tout ça, c’était vraiment trop pour moi.
Journaliste : un mot sur la politique sportive du gouvernement
Noélie Yarigo: Je pense que le gouvernement fait déjà de gros efforts pour pouvoir nous mettre dans de bonnes conditions, à être prêt dans les grands événements. Même si ce n’est pas suffisant, on va prendre ça comme ça en attendant que ça s’améliore.