Ce mardi 14 décembre 2021, la rumba congolaise a été officiellement inscrite sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, par l’Unesco. Une nouvelle grosse avancée dans l’histoire de cette musique qui s’est modernisée et rendue populaire à travers le temps.
C’est une grande victoire pour la République Démocratique du Congo (RDC) et la République sœur du Congo Brazzaville qui ensemble, ont porté depuis mars 2020 le dossier de l’inscription de cette musique au patrimoine immatériel de l’humanité. Un dossier qui passe avec brio dans la soixantaine de candidatures, a annoncé, l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) en ces termes : « Elle est considérée comme une partie essentielle et représentative de l’identité du peuple congolais et de ses populations de la diaspora. Elle permet également la transmission de valeurs sociales et culturelles de la région, mais aussi la promotion d’une cohésion sociale, intergénérationnelle et solidaire ». Cette reconnaissance de l’institution onusienne réunie cette semaine pour arbitrer, approuve les propos de Patrick Muyaya, ministre chargé de la communication et porte parole du gouvernement de la RDC, qui disait en fin de semaine dernière : « cette richesse venue du Congo et exportée dans le monde entier constitue un des éléments de notre fierté (…), il est de notre devoir à tous de promouvoir la rumba ».
Selon le Professeur André Yoka Lye, directeur de l’Institut national des arts (Ina) à Kinshasa, cette musique est « tentaculaire, présente dans tous les domaines de la vie nationale » et est marquée par l’histoire politique des deux Congo avant et après l’indépendance. Sa version moderne vieille d’un siècle, fait de la rumba, une musique de rencontre des cultures et de nostalgie, de « résistance, de résilience et de partage du plaisir aussi », ajoute le directeur de l’Ina à l’Afp.
Sur l’origine de la rumba
Des deux rives du fleuve Congo, les spécialistes essayent de retracer les origines de cette musique indémodable avec son mode de vie et ses codes vestimentaires, la « Sape » (Société des ambianceurs et des personnes élégantes).
Au paradis des ambianceurs, les idées sont divergentes. Pendant que d’aucuns restent sans réponse sur le sujet, d’autres pensent que la rumba congolaise tire ses origines de sa cousine, la rumba cubaine des années 30 (déjà inscrite au patrimoine immatériel de l’humanité en 2016). Et il faudra attendre les années 40 pour voir son éclosion. Aussi, convient-il de rappeler que pour d’autres encore, la rumba tire son origine de la danse appelée « nkumba » qui signifie « nombril », parce qu’elle faisait danser homme et femme nombril contre nombril. Ce qui est communément appelé « collé-serré ».
Avec la traite négrière, les Africains ont emmené avec eux dans les Amériques leur culture et leur musique. Ils ont fabriqué des instruments rudimentaires au début, puis perfectionnés ensuite, pour donner naissance au jazz au nord et à la rumba au sud. Après, cette musique fut ramenée en Afrique par le biais des commerçants avec disques et guitares (instrument de base de la rumba selon Ray Lema, le grand pianiste et compositeur originaire du Congo Kinshasa pour qui cette reconnaissance est « méritée »).
L’Afrique a nouveau vernie
Si dans les deux capitales congolaises, on compte sur cette inscription au patrimoine immatériel mondial pour redonner une nouvelle notoriété à la rumba et aux Congolais eux-mêmes, cette inscription lève un coin de voile sur le riche et très dense patrimoine culturel musical du continent noir. Cette décision de l’Unesco pourrait être une des nombreuses à venir en Afrique, selon Audrey Azouley directrice générale de l’Unesco, qui considère qu’il reste encore tout un travail à faire pour que les patrimoines qui viennent du continent africain soient mieux reconnus et plus inscrits. « Pour le patrimoine immatériel, la situation est un peu meilleure, mais il y a tant de culture, d’éléments du patrimoine, de danse, d’art, de musique, de tradition qui pourraient être ainsi reconnus. Et cette reconnaissance s’accompagne aussi d’un travail de mémoire, d’inventaire, de sauvegarde et donc c’est très important aussi pour la transmission aussi de ce patrimoine au fil des générations. » explique t-elle.
Mieux, pour la directrice générale de l’Unesco, cette inscription vient soutenir l’Afrique dans sa modernité d’aujourd’hui, puisque « l’Afrique amène cela aussi au monde ». Par ailleurs, « On espère que cela puisse en inspirer d’autres et c’est le sens du travail que nous faisons, nous, avec les États membres du continent africain ici à l’Unesco », rappelle Audrey Azouley sur RFI.