Circuler dans les rues de Cotonou et d’autres villes du Bénin, c’est côtoyer la mort à chaque seconde. Un circuit routier où règne la loi de la jungle. Entre cyclistes et automobilistes qui se bousculent tous les jours, le risque est énorme. L’indiscipline des usagers de la route à elle seule sème tout naturellement le bololo.
Que vous soyez locuteur ou non des langues locales fongbé, Yoruba, dendi… il n’est pas rare d’entendre les expressions a do gandji â. jiman kplon. ou encore non wé yômin, yanbèï, tô wé yômin (des paroles offensantes). Pour un novice des axes routiers du Bénin, cela ne semble être que de simples expressions. Mais non ! Le ton d’ailleurs est plus parlant que le discours. Ce sont bien évidemment des insultes. Oui, des insultes qui expriment le mécontentement d’un cycliste ou d’un automobiliste pour répondre à un autre qu’il considère avoir mal conduit. Les feux tricolores et les panneaux de signalisation ne servent parfois que de décoration aux yeux de certains. Et, il y va de soi que celui qui ne s’inquiète pas pour sa propre sécurité ne va pas s’inquièter pour celle des autres. Car, ce qui importe, pour ces indélicats de la circulation, c’est de gagner du temps quitte à renverser les autres ou à se faire renverser.
Le plus spectaculaire dans cette circulation digne d’un Polar, c’est de voir les conducteurs de minibus communément appelés Tôkpa Tôkpa (tiré du nom du plus grand marché du Bénin et de l’Afrique de l’ouest, Dantokpa qu’ils desservent en grande partie). Pour eux, le code de la route n’est qu’un simple texte. Ces conducteurs qui embarquent également des passagers au grand marché de Dantokpa à destination d’Abomey Calavi (ville près de Cotonou la capitale économique) et de ses banlieues, sont de véritables anarchistes ou plutôt de vrais dangers. Dans leur quête insatiable de clients, ces hommes ne respectent aucune des règles du Code de la route. En pleine circulation, Il suffit d’entendre Calavi Kpota – Calavi kpota ou Cocotomey -Cocotomey (des quartiers de la ville d’Abomey-Calavi) pour qu’ils virent brusquement à leur droite ou à leur gauche sans prêter aucune attention aux autres usagers de la route. Des pratiques dangereuses qui se vivent au quotidien. Et, dans ce tohu-bohu, s’arrachent froidement des vies humaines. Les gens sont écrasés, soit par l’indiscipline des usagers de la route, soit par le manque d’entretien des engins roulants mais surtout par manque de patience et tolérance. Il n’est pas rare d’assister à des collisions ou à des percussions entre cyclistes et automobilistes.
Même si la blessure est causée par l’indiscipline, elle devient vite béante à cause de la négligence technique des moyens roulants dont les gros porteurs. Ces camionnettes et camions désignés comme «venus de France» et qui débarquent sur le sol béninois, ne comptent déjà plus le nombre d’années d’usage dans leurs pays de provenance.
Négligeants ou insouciants, leurs propriétaires n’accordent aucune importance à l’entretien de ces cercueils roulants. La conséquence est que les moins chanceux paient au prix de leur vie. Leurs systèmes de freinage ne tardent souvent pas à lâcher. Et, dans une grande agglomération comme celle de Cotonou, perdre le contrôle d’un engin à plusieurs roues occasionne à l’évidence de gros dégâts. Les cas sont légion dans nos villes.
Mais, la responsabilité n’est pas seulement imputable aux usagers indélicats ou aux insouciants et négligeants qui mettent en circulation leurs machines à broyer. Elle est en partie dûe aussi à ces «costards vautrés» censés veiller. Sinon, comment comprendre la défaillance d’un véhicule qui a été admis à la visite technique? Inexplicable tout de même. La visite technique, au lieu d’être une obligation objective, devient une formalité d’usage. Quelles que soient les réformes de ce secteur, l’indélicatesse et les mauvaises pratiques passent toujours par les mailles du filtre, à vue d’œil sélectif mais poreux. Face à cette flopée de cas d’accidents, tous nous sommes interpellés et s’impose un retour à la normale ou tout au moins un redressement de la courbe. La fin de la saignée dépend de tous.