Quelques jours après son acte héroïque, Sakina peut s’estimer fière et surtout d’avoir contribué à faire en sorte que son geste puisse faire des émules.
Acte de bravoure
Inutile donc de passer sous silence cette opération de sauvetage de grande bravoure réalisée par Sakina Harouna. Grâce à son courage digne d’une amazone début août, cette jeune femme de 25 ans a pu sauver la vie à cinq personnes lors de ce naufrage sur le fleuve Okpara, dans la commune de Tchaourou. Cet incident qui rappelle le drame de Titanic où tout se jouait entre la vie et la mort a été l’occasion pour la jeune béninoise, de ramener au moins cinq personnes en situation de noyade à la vie. Sakina Harouna aurait passé plus d’une heure sous les eaux. Elle ne s’attendait pas une récompense, si ce n’est peut-être celle de voir ses compatriotes continuer encore à vivre dans cette commune du département du Borgou. Le Malien Mamadou Gassama n’a pas fait mieux avant d’être reçu par le président Macron et obtenu dans la foulée, la nationalité française. D’autres Béninois n’auraient pas fait mieux. Chapeau Sakina !
Pourtant, on a le droit de se réjouir. Sakina n’est sûrement pas la seule héroïne que le Bénin ait connue. D’autres citoyens posent des actes héroïques sans qu’on en parle, parce que les médias étaient absents ou parce qu’il n’y avait pas de téléphone portable disponible pour filmer le sauvetage. Nous devons être fiers de ces personnes qui, d’une manière ou d’une autre, ont sauvé la vie de leurs compatriotes lors d’un danger. Ces héros peuvent aussi être fiers d’eux-mêmes.
Il est des jours où on doit être fier d’être originaire du Bénin. En effet, il n’est pas rare de lire et d’entendre des Béninoises et Béninois sur les réseaux sociaux regretter leur nationalité face à ce qui va mal dans le pays. Il faut dire que les acteurs politiques qui exhortent à aimer le pays et à en être fiers n’ont pas toujours donné l’exemple. Leurs faits et gestes plaident souvent contre leur exhortation. Heureusement que les performances des hommes et femmes de culture et des sportifs béninois viennent souvent nous faire bomber le torse, attiser notre nationalisme et nous rappeler que ce pays a du génie. Dans un pays où tout est prioritaire, tout acte héroïque d’un Béninois ou d’une Béninoise est bon à prendre.
Apprendre des actes héroïques
Passé le moment de la fierté, il faut bien savoir comment on en arrive à être fier d’être Béninois lors de ces actes héroïques. En réalité, cette fierté ne devrait pas exister, cette fierté que l’on ressent à la suite d’un naufrage. Le ministère des affaires sociales a salué « le patriotisme, les valeurs d’amour et d’humanité pour son prochain » de Sakina, ajoutant qu’elle fait partie – maintenant – des « braves femmes » béninoises. Un hommage particulier doit être rendu à Sakina Harouna en mars prochain, a promis la ministre Véronique Tognifode Mèwanou. Mais la ministre a d’abord évoqué la question du transport fluvial dont le débat a été encore relancé, tout en demandant aux populations de « faire preuve de prudence et respecter les consignes données par les autorités ». Pas plus !
Certes, son ministère n’est pas responsable du transport fluvial au Bénin. Ce naufrage vient, cependant, s’ajouter à une série de naufrages similaires. Les autorités ont toujours appelé à la prudence sans veiller à ce que les consignes soient respectées au niveau des cours d’eau. De nombreux conducteurs d’embarcations mettent régulièrement la vie des Béninoises et Béninois en danger tous les jours sans être inquiétés. Il n’est pas rare que des personnes perdent la vie lors de ces naufrages. Il est à craindre que le Béninois lambda n’en arrive à être insensible à force de toujours constater ces bilans macabres. Une seule vie perdue est une perte pour toute la nation.
En juillet dernier, une pirogue a chaviré sur le fleuve Niger, des personnes ont disparu. Le naufrage sur le fleuve Okpara rappelle un autre survenu dans la même période en 2019, sur le lac Ahémé. Douze personnes avaient perdu la vie. Il y a moins d’un mois, le 24 juillet dernier, une pirogue a chaviré aux larges de Cotonou. Au moins trois personnes ont perdu la vie. Et la liste est longue. Hélas, lors de ces naufrages, Sakina n’était pas là. Mais le gouvernement est là, et toujours. Il lui revient de protéger sa population en prévenant ce genre de drames et non jouer les bienfaiteurs. Combien de fois n’a-t-on pas vu des remises de vivres et autres après tout accident ? Pour Sakina Harouna, il y aura un hommage dont elle n’est pas demandeuse. Elle a juste envie que ce genre de naufrages ne se reproduise plus et surtout que le gouvernement de son pays prenne enfin des décisions concrètes pour mieux assurer le transport fluvial. À nos confrères de la télévision nationale du Bénin (ORTB), l’une des rescapés, Barikissou Seïbou, a demandé l’érection d’un pont.