On ne pouvait prédire une bonne fin à ce désormais ex Présdent aux caractéristiques de dictateur. Non ! Loin de se réjouir de sa mort intervenue ce jour des suites d’une crise cardiaque, le président Pierre Nkurunziza a inscrit son nom sur la liste noire des dirigeants à qui l’on peut logiquement coller l’étiquette de »dictateur ». Après 15 ans de pouvoir sans partage, le chef d’Etat burundais ne briguera ni un quatrième ni un cinquième mandat à la tête du pays.
Si l’action des hommes ne pouvait lui ôter son fauteuil présidentiel douillet, la nature quant à elle réalise malheureusement ou heureusement cet exploit. Après avoir brisé les barrières constitutionnelles pour un troisième mandat, Pierre Nkurunziza a engagé son pays sur la voie de la dictature. Sa décision a inversé une période de consolidation de la paix multiethnique, en cours depuis que la signature des accords d’Arusha en 2000 avaient mis fin à la guerre civile burundaise pendant laquelle 400.000 personnes avaient été tuées. La décision de Nkurunziza de prolonger son mandat a déclenché de vastes manifestations qui ont été violemment réprimées. Par la suite, la plupart des membres de l’opposition politique, des dirigeants de la société civile et des médias indépendants ont fui le pays ou ont été emprisonnés, torturés ou assassinés. Ceux qui sont restés ont été réduits à un douloureux silence, subissant la mort dans l’âme.
La crise politique a également conduit à la fragmentation du secteur de la sécurité. De nombreux officiers, après avoir refusé de participer à des répressions, ont également fui le pays, ou ont rejoint des groupes d’opposition armés. L’intimidation des jeunes par la police et la milice (les Imbonerakure qui soutiennent le parti au pouvoir, le CNDD-FDD), continuent de caractériser l’environnement politique. Les progrès réalisés entre 2000 et 2015 en matière de professionnalisme militaire ont été largement annulés, les forces armées étant de plus en plus polarisées selon des lignes ethniques et politiques. On estime que 2.000 personnes ont été tuées et que près de 500 000 sur une population totale de 11 millions sont devenues des réfugiés ou des déplacés internes depuis 2015. En 2019, une enquête de la Commission d’enquête des Nations unies sur le Burundi a révélé que les huit facteurs de risque communs aux crimes d’atrocité sont tous présents au Burundi. Un rapport bien mal accueilli par Bujumbura qui n’avait pas manqué de le faire savoir.
Dans ce climat tendu, le référendum controversé de 2018 a prolongé les mandats présidentiels de 5 à 7 ans et a ouvert la porte à la candidature de Nkurunziza pour un quatrième mandat en 2020 et un cinquième mandat en 2027. Le CNDD-FDD a cependant choisi son secrétaire général et ministre de l’Intérieur, le général Evariste Ndayishimiye, qui a été élu à l’issue de l’élection présidentielle tenue le 20 mai. Entre-temps, Nkurunziza s’est vu décerner les titres de « Guide suprême éternel » et de « Chef suprême » dans une loi approuvée en janvier 2020. Ce rôle non élu permettra à Pierre Nkurunziza de demeurer la force politique dominante au Burundi, mais avec encore moins de contraintes.
En bref, après avoir failli à empêcher la violation des limites de mandat de Nkurunziza en 2015, le Burundi est en proie à une crise politique auto-infligée aux conséquences humanitaires graves et qui ne montre aucun signe d’apaisement.
Sa succession sera assurée à partir du mois d’août par le général Evariste Ndayishimiye. Pour l’heure, c’est le Président de l’Assemblée nationale Pascal Nyabenda qui prend les commandes du pays pour la transition.