Politologue et juriste internationaliste, Djidenou Steve KPOTON a publié ce vendredi 22 novembre 2024 sur sa page Facebook, une réflexion sur l’initiative du cadre de concertation des partis politiques de l’opposition du Bénin, ayant trait à l’audit du fichier électoral. Dans une réflexion scientifique et basée sur les textes qui encadrent les élections en République du Bénin, le Consultant en affaires politiques et gouvernance démocratique a mis en relief les problèmes de « base légale « que soulève cette initiative quoique louable et « valorisante » de cette nouvelle alliance de l’opposition béninoise .
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« Ce que je pense !
Le 27 novembre 2023, au cours d’une audience, le parti Les Démocrates a obtenu l’accord et le soutien du Président Talon pour auditer le fichier électoral. Un an plus tard pratiquement, le 08 novembre 2024, cette demande a été formalisée par l’envoi de Termes de Référence de l’audit. Sauf que, ce n’est plus le parti Les Démocrates qui porte la demande mais le cadre de concertation des partis politiques de l’opposition mis en place le 06 novembre 2024. Le 19 novembre 2024, la nouvelle alliance de l’opposition a tenu une séance de travail avec le Ministre chargé des relations avec les institutions. A l’issue de la rencontre, le ministre a affirmé qu’ ils ont discuté, en substance, de ‘‘comment mettre en œuvre la demande qui est formulée’’. Cette nouvelle manœuvre politique de l’exécutif et de l’opposition béninoise, quoique légitime, soulève quelques débats.
Sur le plan juridique, l’audit que souhaite réaliser les partis politiques de l’opposition pose, dès le départ, un problème de base légale. En effet, s’il est vrai que la démarche de l’opposition semble valorisante pour la transparence, il n’en demeure pas moins vrai qu’elle n’est fondée sur aucune prévision juridique du code électoral. Texte de référence qui régit le fichier électoral, le code électoral prévoit un audit participatif et citoyen qui permet l’apurement et la mise à jour du fichier électoral (Livre 2 du Code, les articles 111 et suivants). Le code ne prévoit aucune initiative d’audit sur demande des partis politiques. A cela, il faut ajouter la posture de l’opposition et de l’exécutif qui suscite quelques curiosités.
En répondant favorablement à la demande de l’opposition le 23 novembre 2023, l’exécutif semble s’inscrire dans une démarche d’apaisement et de décrispation. Il s’agit d’un geste à grande valeur ajoutée démocratique. Mais, la mise en œuvre de cette entente avec l’opposition aurait été prise en compte dans la réforme du code électoral de mars 2024. Quant à l’opposition, non seulement que sa demande dépourvue de base légale s’apparente au ‘‘bon sens’’ qui a permis à la Cour Constitutionnelle et à la CENA d’inventer respectivement ‘‘le certificat de conformité’’ et le concept de ‘’faute mineure’’. Mais, curieux, aucune des propositions qu’elle avait formulées lors du débat au cours de la réforme électorale en mars 2024 n’intègre une initiative d’audit portée par les partis politiques.
Sur le plan technique, l’article 17 nouveau du code électoral prescrit à l’Agence nationale d’identification des personnes (ANIP) la transmission à la CENA, des statistiques relatives à la liste électorale informatisée cent quatre-vingts ( 180) jours avant la date du premier scrutin de l’année électorale. Le premier scrutin aura lieu le 11 janvier 2026. Le décompte des 180 jours à partir de cette date renvoie à 16 juillet 2025, date à laquelle l’ANIP, conformément au code électoral, doit transmettre les statistiques électorales à la CENA. Disons que l’opposition dispose de la période allant de décembre 2024 à juin 2026 pour faire son audit. Elle a eu l’accord de l’exécutif pour auditer le fichier électoral le 23 novembre 2023. Elle a transmis une proposition de termes de références le 08 novembre 2024, soit pratiquement 12 mois après le consensus. En termes de célérité et prévisibilité, on pourrait espérer mieux. Surtout que nos récentes expériences électorales ont révélé des complexités non encore totalement élucidées.
Notre pays s’est engagé a organiser trois (03) élections cruciales en 2026. De potentiels cafouillages sont à craindre du fait du chevauchement de processus électoraux et de calendriers mais aussi du fait de l’inflation législative quant aux actes et pièces à fournir par les candidats. Le dépôt des dossiers du duo Président-Vice Président est attendu courant octobre 2025, ensuite le dépôt des dossiers de candidature des élections législatives et communales, quid de l’épineuse question du quitus fiscal. Les partis auront à organiser et gérer trois (03) campagnes électorales avec en perspective de potentiels contentieux pré-électoraux. Nul doute que les discussions entre le cadre de concertation de l’opposition et le Ministre chargé des relations avec les institutions, au sujet de la mise en œuvre de l’audit, ont pris en compte tous ces paramètres.
Pour la sécurité du processus électoral de 2026, il est important d’exiger des deux parties un minimum de clarté, de cohérence et de prévisibilité. Ce qui semble manquer, pour le moment.
C’est ce que je pense. »
Djidenou Steve KPOTON.