A sept mois du scrutin présidentiel, la sortie du porte-parole du gouvernement laisse entendre que le scrutin peut être pluriel. Pourtant, le contraire n’est pas à exclure.
Et si Joël Aïvo avait raison de continuer à descendre sur le terrain pour préparer l’élection présidentielle du 11 avril 2021 ! Le candidat non déclaré a dû en tout cas être motivé davantage après la sortie médiatique du ministre, porte-parole du gouvernement, Alain Orounla. L’avocat a affirmé que « ceux qui se sentent capables d’aller à l’élection présidentielle peuvent démarcher des maires et des députés ». Le ministre, qui a fait cette déclaration après le compte rendu du conseil des ministres mercredi (09.09. 2020), laisse entendre que les potentiels candidats doivent convaincre tous les 160 parrains.
Cette prise de position du porte-parole du gouvernement a le mérite de faire savoir que le régime de Patrice Talon ne va pas supprimer le parrainage. La prise de position du ministre Alain Orounla est similaire à celle de maître Jacques Migan, membre aussi du Bloc Républicain. A l’opposé, rappelle Joël Ataï Guèdégbé, expert en gouvernance politique, Louis Vlavonou, du parti Union Progressiste et président du parlement, est plutôt pour la « discipline partisane ». Celle-ci supposerait que les députés et maires ne parrainent que des candidats issus de leur formation politique.
Qui pour oser ?
Selon le dernier alinéa de l’article 132 du code électoral, le candidat au scrutin doit être « parrainé par un nombre de députés et/ou de maires correspondant à au moins 10% de l’ensemble des députés et des maires ». Lorsqu’on demande à l’expert des questions électorales, Marino de Souza, si un maire ou un député peut parrainer un candidat d’un autre parti, il déclare « ma réponse est oui ». Selon lui, dans la Constitution et le code électoral, « aucune disposition n’empêche un député ou un maire de donner sa caution, de parrainer à un candidat quel que soit son parti politique ». L’esprit du parrainage « n’est pas seulement quérable par des candidats auprès d’élus issus du même parti qu’eux », ajoute Joël Ataï Guèdégbé.
Depuis plusieurs semaines, certaines personnalités du Bénin démontrent, à travers leur sortie, leur envie de briguer la magistrature suprême. Selon le code électoral, on pourrait avoir dix candidats, dont un issu de la Force cauris pour un Bénin émergent (FCBE) qui a six parrains. Le parti pourrait en chercher dix autres, pour respecter les dispositions du code électoral. D’autres partis ou d’autres personnalités pourraient aussi convaincre des parrains pour avoir leur soutien. Les 154 parrains, soutiens du gouvernement, peuvent-ils soutenir des candidats issus d’autres partis ? Marino de Souza croit que « si les règles qui régissent le parti politique de l’intéressé interdit cela, il se mettra en travers des règles et pourrait s’exposer à des sanctions ».
Talon, maître du jeu
Dans un pays où les acteurs politiques manquent de courage politique, un parrain qui sort des rangs peut s’attirer la foudre de son parti. Les maires sont ainsi les plus exposés à d’éventuelles sanctions. Ces derniers peuvent perdre leur fauteuil si leur parti le décide. De même, il n’est pas exclu que Patrice Talon soit candidat pour un second mandat, ce qui éviterait la dispersion de ses soutiens vers ses adversaires. Le chef de l’Etat garde encore ainsi la main sur sa troupe, en laissant ouverte sa candidature pour 2021.
Patrice Talon peut aussi convaincre les progressistes et les républicains en vue de soutiens à d’autres candidatures de l’opposition. L’ouverture peut être faite en faveur de candidats qui sont proches de la mouvance. Au cours des législatives de 2019, qui ont mis en compétition deux partis de la mouvance, les caciques du régime, n’ont eu de cesse d’affirmer que ce scrutin était pluriel. On n’est donc pas loin d’un second match amical dans l’histoire des élections au Bénin. A moins que Patrice Talon, le compétiteur né ne décide autrement.