Alors que l’école béninoise va entamer sa deuxième semaine, les enseignants aspirants continuent de décrier la réforme. Un os dans la gorge du ministre de l’Enseignement secondaire et de la rupture.
C’est une fronde dont le gouvernement se serait bien passé. Sur le plateau de la télévision nationale, samedi, le ministre, porte-parole du gouvernement, Alain Orounla, a dû appeler les aspirants à l’effort national. A la veille de la deuxième semaine de rentrée, les aspirants tiennent à faire savoir que la pilule des 30 heures a du mal à passer. Selon le porte-parole de la fédération des aspirants, Ferdinand Sourou Misséhoun, interrogé par la radio nationale, vendredi 2 octobre, la décision de 30 heures « renvoie beaucoup d’aspirants à la maison, au moins le tiers à la maison ». Il ajoute que « ce n’est pas une décision qui arrange ni le pré-inséré, ni ceux-là qui ont travaillé l’année passée, ni le système éducatif béninois ». Sur la télévision nationale, le ministre Alain Orounla a déclaré que 《30 heures, ce n’est pas impossible, ce n’est pas insurmontable 》. Il a ajouté que la mesure les sortirait de la précarité.
Sur les réseaux sociaux, les enseignants se font entendre et préparent la riposte. Les aspirants estiment qu’ils doivent exécuter 20 heures de cours par semaine. Pour Henri Adjeh, Coordonnateur départemental Borgou du Collectif national des aspirants du Bénin (Conab), cette décision est « une surcharge émotionnelle ». Les aspirants exigent donc le retrait de la décision. Le ministre de l’enseignement secondaire Mahougnon Kakpo doit gérer cette crise, en plein début d’année scolaire, en plus de la Covid-19.
Qui va fléchir ?
Pour lui (Mahougnon Kakpo), un recul serait une énième volte-face après notamment celle sur l’utilisation de l’uniforme kaki par tous les collèges publics et privés. Comme pour apaiser la tension, le ministre annonce une contrepartie au sacrifice demandé aux enseignants. Les aspirants intéressés par les 30 heures recevraient des primes et bénéficieraient de la sécurité sociale. Ces cotisations sociales vont coûter 4 milliards à l’État, a fait savoir le ministre Alain Orounla.
Au lendemain de la sortie médiatique du ministre Mahougnon Kakpo, les confédérations syndicales dénoncent un « esclavage aux âmes innocentes » que seraient les aspirants. Les syndicalistes ajoutent que Patrice Talon devrait sonner « la fin de la récréation en ne cautionnant pas cette politique de prédation que lui suggère son ministre désormais passé champion dans le rétropédalage ». Il est clair que Mahougnon Kakpo est dans le viseur des enseignants et des syndicats qui voient dans ses 30 heures « une provocation grandeur nature ».
Le chef de l’État joue sa popularité au sein du monde enseignant. Même si Patrice Talon n’en a cure de son impopularité, il devrait tout de même prêter attention à cette colère des aspirants. Ces derniers constituent la majeure partie du monde enseignant dans le secondaire. Le président de la République doit cependant se targuer, en fin de mandat, d’avoir assuré une bonne année scolaire. Et s’il doit y arriver, sa médiation est attendue, comme le veulent les confédérations syndicales. Pour lui, la question est délicate. S’il annule les 30 heures, il désavoue publiquement son ministre de l’enseignement secondaire. Pour Patrice Talon, ne plus appliquer les 30 heures serait considéré comme une reculade, pour un chef de l’État qui ne supporte pas les échecs.
Système éducatif malade
Pour autant, l’école fait face à de gros défis. Les confédérations syndicales pointent du doigt « des infrastructures inadaptées et chroniquement insuffisantes, des ratios/élèves salles/enseignants non respectés depuis des décennies ». A ces problèmes, le gouvernement ajoute « le déficit du personnel enseignant et […] la qualité de ce personnel enseignant. »
Les acteurs du monde éducatif dénoncent aussi des formations qui ne sont pas adaptées au monde du travail. Les examens dans le cycle général sont généralement, très médiatisés que ceux du cycle professionnel. L’école forme au chômage des jeunes. Selon Ferdinand Sourou Misséhoun, « nous allons vers la ruine totale de l’école béninoise ». Visiblement, à quelques mois de la fin de son mandat, Patrice Talon, le compétiteur né, n’a pas gagné la bataille d’un meilleur système éducatif. Tels les doutes autour de la candidature à un second mandat de Patrice Talon, l’école béninoise est en plein doute, ignorant tout du lieu où la conduit la rupture.