Certaines bonnes vieilles habitudes ne se perdent pas en Afrique. Après de nombreuses années sur le chemin du processus démocratique, les coups d’État continuent de s’enregistrer dans certains pays du continent.
C’est bien le cas au Mali où l’ordre constitutionnel a été bouleversé ce mardi 18 août 2020 suite à un coup d’Etat militaire. Alors que le pays est secoué depuis juin dernier par un mouvement de protestation, le monde a été pris de court par un coup de force parti d’une mutinerie dans le camp militaire de Kati. La situation qui d’abord a semé la confusion durant toute la journée, a fini par se clarifier avec l’arrestation du président Ibrahim Boubacar Keïta contraint à la démission tard dans la nuit du mardi au mercredi. D’autres membres de son gouvernement dont le premier ministre Boubou Cissé sont aussi aux mains des mutins. Un deuxième acte du genre des hommes en uniforme dans les huit (8) dernières années, le quatrième de l’histoire du pays.
Les protestataires devraient s’abstenir de jubiler
Il est évident que cette intervention de l’armée est un soulagement total pour les protestataires qui, depuis le mois de juin 2020, ont investi avec abnégation les rues du pays pour revendiquer leur souveraineté, essuyant parfois des balles des forces de l’ordre. Et au bout du compte, il revient au peuple malien de décider de son avenir. Mais l’intervention de l’armée dans cette démarche comme adhérent à la cause populaire, est d’autant plus préoccupante. La plupart des leaders du continent une fois au pouvoir, ne pensent qu’à eux et à leur entourage, au mépris du peuple souverain. Mais au-delà de leurs vices, le respect de l’ordre constitutionnel devrait rester la norme.
Force est de constater aujourd’hui sur le continent, que les armées se servent des mouvements populaires pour renouer avec les coups de force. Cette pratique à la mode depuis quelques années, s’est observée en Égypte sous le président Mohamed Morsi et au Soudan en 2019. L’armée après son intervention, s’empare du pouvoir brisant le rêve de la rue. Au Soudan, après le renversement de l’ex homme fort du pays, Omar El Béchir, la première manifestation a été réprimée dans le sang. En Egypte, alors que les protestataires étaient vent debout contre le pouvoir des frères musulmans, l’intervention de l’armée offre le pouvoir à Abdel Fattah Al-Sisi. La démocratie en Egypte aujourd’hui, point n’est besoin de l’apprécier.
Au Mali, même si des observateurs espèrent que ce coup de force profitera au peuple, il faudra quand même s’inquiéter sur la suite qui pourrait également être désastreuse au vue des réalités du pays. D’abord, il est encore ancré dans les mémoires, que le coup d’État orchestré par le capitaine Sanogo en 2012, a favorisé l’émergence de l’instabilité dans laquelle végète le Mali. En faisant donc le rapprochement des faits, il est évident que ce coup de force n’est pas la bonne issue. Le pays est en proie depuis quelques années à l’hydre du terrorisme dans le nord, et aux conflits inter communautaires dans le centre. Une situation qui échappe à tout contrôle malgré la présence de plusieurs Forces étrangères dans la région. Et le nouveau acte posé par l’armée, pourrait raviver les braises. Les Maliens peuvent se voir imposer un califat d’un côté avec le charismatique Imam Mohamed Dicko, et de l’autre côté les islamistes. Voir l’armée transmettre le pouvoir aux civils est aussi un enjeu majeur d’autant plus que les intérêts ne convergent forcément pas. Il revient donc de dire que jusque là, les Maliens n’ont gagné qu’une bataille. La guerre reste entière.
La CEDEAO interpellée
La Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest ne doit ne pas se contenter de ses traditionnelles condamnations. Les dirigeants de cette organisation sous-régionale doivent au prime abord, tirer leçons de cette situation et arrêter de se caresser dans le sens des poils. Les chefs d’État doivent s’assumer en tenant des discours francs entre pairs avant que le pire n’arrive. La médiation engagée par l’organisation sous-régionale n’a pas fait recette parce que les peuples ouest-africain se méfient de plus en plus de cette organisation après certaines de ses méditations dans des pays membres notamment le Togo. La CEDEAO doit travailler davantage à rendre fort les institutions si elle veut éviter le retour des putschs surtout dans un espace où les mandats bonus sont tendance.