Le Bénin, à l’instar de la communauté internationale célèbre du 8 au 14 juin, la Semaine Internationale des Archives #iaw2020. Dans un contexte assez spécial dû à la pandémie sanitaire de la Covid 19, les archivistes béninois et du monde entier ont opté pour une célébration via les canaux digitaux tels que Facebook et Twitter (au Bénin ndlr). Le thème mondial autour duquel se déroule l’évènement cette année est: «Renforcer les sociétés du savoir ».
C’est l’occasion choisie par une Archiviste, consultante en conduite de projets, pour inviter à une reconsidération de ce secteur qui a trop duré dans une position de laisser pour compte. Flora Akodo puisque c’est d’elle qu’il s’agit, plaide entre autre pour l’assainissement de l’environnement des structures de prestations d’archivage pour ‘’sauver le métier et les professionnels des Archives au Bénin’’. Une tribune, un coup de gueule pour redorer le blason de cette corporation gangrenée par des pratiques trop peu responsables et édifiantes.
Tribune
Assainir l’environnement des structures de prestations d’archivage pour ‘’sauver le métier et les professionnels des Archives au Bénin’’
Les hommes passent, mais les archives restent. #UneArhiveCest l’information gravée sur support et qui retrace l’histoire des, collectivités des peuples et des civilisations. C’est un élément de preuve du passé et un instrument d’aide à la prise de décision. Il est donc utile que nos documents soient traités et bien conservés. Dans ce sens, l’Archiviste joue un rôle prépondérant dans la collecte, le traitement et la sauvegarde de notre patrimoine collectif. Il est le garant, l’interlocuteur et vecteur de transmission de tout ce qui résulte du savoir et de l’activité humaine.
Longtemps considérée comme un maillon faible de la chaine au Bénin, toute entreprise se trouve aujourd’hui confrontée à la problématique de l’archivage, parce qu’elle doit gérer le flux après les avoir produits ou reçus. L’archivage est une nécessité vitale pour l’entreprise parce que les archives retracent toute l’activité économique et sociale de celle-ci et une obligation légale qu’elles soient maintenues en bon état et accessibles.
Les entreprises en ont pris conscience et des actions sont visibles quoiqu’encore timides. Elles recrutent des professionnels ou font recours à l’expertise des structures de prestations d’archivage pour gérer les flux documentaires relevant de leur fonctionnement quotidien.
Mais quelle est la qualité de service qui est proposée aujourd’hui pour répondre à l’ensemble des attentes de ces entreprises et des collectivités que nous savons exigeantes et très sensibles au sort des données qu’ils nous confient ? Quelle est la configuration et le profil des prestataires affectés à ces projets ? De quels mécanismes de suivi et de contrôle dispose t-on pour la validation de ces prestations ? Quels impacts ces prestations ont-ils sur le devenir des entreprises ? A quoi ressemblerait le marché de l’archivage dans les années à venir ? Quel est le sort qui est réservé à la carrière de ces professionnels indépendants qui évoluent dans les métiers de l’archivage ?
A ces différentes interrogations, le constat est triste et très amer et il convient de tirer la sonnette d’alarme.
La plupart des structures prestataires d’archivages pousse de terre comme des champignons. Le marché est mal structuré. Les prestataires évoluent différemment et de façon autonome. Et cette façon de procéder entraine dans la plupart des cas un manque de professionnalisme dans la conduite des projets d’archivage et l’insatisfaction des clients. On note fondamentalement :
– des contrats de marchés négociés sous fond relationnel sans l’expertise des professionnels ;
– le recrutement d’équipes opérationnelles hétérogènes, plus ou moins qualifiés, sans contrat de travail ou de prestation;
– des fonds d’archives sous-estimés ou mal évalués. En conséquence, les montants sont utilisés ou n’arrivent plus à couvrir les charges. Ceci entraine une minoration des délais de livraison, les salaires de prestataire revus à la baisse ; plusieurs équipes de prestataires qui se succèdent, des travaux bâclés, ou chantiers abandonnés.
– des arriérés non payés plongeant ainsi des jeunes, des pères et mères des familles dans le dénuement.
Une lutte pour quels objectifs ?
Nous ne sommes nullement dans une logique de combattre nos partenaires, mais qu’ils revoient leur copie. Ces irrégularités discréditent les archivistes dans l’exercice de leur profession. D’ailleurs, les responsabilités sont souvent déguisées et nous sommes les plus exposés. L’histoire retiendra des professionnels incompétents mais jamais des employeurs indélicats. Décideurs, Experts, Professionnels et praticiens à tous les niveaux, cette situation qui perdure nous interpelle tous. La filière d’archivage doit être réglementée. Les Archivistes indépendants ne vivent pas de leur métier. Ils évoluent dans un environnement vicié et sont victimes d’une mafia organisée d’employeurs opportunistes. Sauvons le métier, sauvons les Archivistes !
Absence d’un cadre légal, l’autre hic!
Cette semaine internationale des Archives est pour nous l’occasion de rappeler encore une fois à nos gouvernants que le Bénin ne dispose pas jusque-là d’une loi sur les Archives et la profession des Archivistes. La sensibilisation et les appels à une réglementation n’ont pas manqué. Sinon ils ont assez duré. Beaucoup d’actions ont été engagées et de durs combats menés par l’Association pour le Développement des Activités Documentaires au Bénin (ADADB) en vue de la défense et la valorisation de la profession Archivistique au Bénin. Près de quatre décennies d’existence, nous sommes toujours ignorés et nos intérêts bafoués. Le législateur n’en a cure. Quoiqu’etant l’un des plus grands producteurs d’archives. Que reste-t-il à faire? La seule chose qu’il nous reste à faire est peut être de prendre, comme des assaillants, l’Assemblée Nationale et les députés en otage. Une manière forte pour se faire entendre. Une mauvaise manière à priori dans l’absolu.
Archivistes, prenons la mesure de la situation et jouons pleinement notre partition. Les gouvernements se suivent, nous utilisent, nous forment mais nous bafouent aussi. Le seul moyen efficace pour sortir de l’auberge, sera de relever chaque jour les défis qui sont les nôtres :
- D’aider les cadres et dirigeants d’entreprises à mieux comprendre l’utilité et l’impact des archives sur le rendement des agents, la compétitivité, les coûts ; et à établir les synergies technique, fonctionnelle, commerciale et informationnelle
- D’actualiser nos connaissances et savoir-faire professionnel en nous appropriant les outils, concepts et approches modernes de gestion des archives pour plus d’efficacité dans l’action ;
- De privilégier le brassage interculturel sur les canaux digitaux, à travers les échanges d’expériences pour transplanter les meilleures pratiques de gestion qui ont fait leur preuve ailleurs et qui peuvent être applicables à notre environnement professionnel.
Valeureux défenseurs de la mémoire collective : travail, foi, courage, persévérance et abnégation. Le combat continue et l’histoire retiendra !
Flora AKODO
Archiviste et Consultante en conduite de projets
Enseignante des Etablissements Privés d’enseignement Supérieur