Après la suspension du Bénin de la liste des pays d’origine sûrs par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le porte-parole du gouvernement a battu en brèche cette décision.
Le ministre de la communication et de la poste, porte-parole du gouvernement, Alain Orounla est visiblement étonné après cette suspension de l’OFPRA. L’office a « décidé de suspendre l’inscription de la République du Bénin sur cette liste [pays d’origine sûrs] pour une durée de douze mois », indique l’OFRA. Au lendemain de la mise à jour de cette décision, maître Alain Orounla, après le compte-rendu du conseil des ministres du mercredi 07 septembre, fait savoir que le pays « fera la preuve qu’il est un État de liberté ». Il ajoute que le Bénin est un pays sûr et est « considéré comme tel par exemple par le HCR qui sait que notre pays est ouvert à ceux qui sont en difficulté dans son voisinage immédiat et même lointain ».
C’est le conseil d’administration de l’OFPRA qui a décidé de la suspension du Bénin. Ce conseil est composé de divers représentants, de parlementaires mais surtout du représentant du Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés. En évoquant un pays ouvert dans son voisinage, le porte-parole du gouvernement fait référence aux étrangers amenés à fuir leur pays et non les Béninois. Ces derniers pourraient être amenés à quitter leur pays, le Bénin, pour une quelconque raison.
Pays sûr, vraiment ?
Sébastien Ajavon fait partie de ces derniers. Il a été condamné par contumace par la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) à 20 ans de prison. Celui que Patrice Talon a considéré dans le magazine Jeune Afrique comme ancien « partenaire politique » a obtenu le statut de réfugié politique en France en avril 2019.
Non sans répondre à la question, le ministre Alain Orounla s’interroge : « est-ce le résultat d’une auto flagellation de nos compatriotes qui ne cessent de clamer partout que les libertés sont en recul au Bénin ? ». Il conclut que peut-être que l’office « n’aime pas ce que nous faisons pour la consolidation des droits de l’Homme dans notre pays ». D’après l’OFPRA, un pays est sûr « s’il veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie, de l’état de droit, ainsi que des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».
Dans la synthèse de son premier rapport annuel rendu mardi 06 septembre au président de la République, la commission béninoise des droits de l’Homme (CBDH) indique que « des violations des droits des citoyens ont été constatées par nous-mêmes ». La commission ajoute cependant que le gouvernement de Patrice Talon a réalisé des « progrès significatifs » pour « la jouissance…des droits civils et politiques, des droits économiques, sociaux, et culturels, des droits catégoriels… ». Le chef de l’État a déclaré qu’ « il n’y a aucune volonté du gouvernement de violer, de contrarier les droits de l’Homme ni de protéger ceux qui les violent ».
Un retrait pour quelle fin ?
Pour autant, en avril dernier, Amnesty International déplorait le retrait par le Bénin aux individus et ONG le droit de soumettre directement des plaintes à la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP). Cette décision « constitue une véritable régression de la part du gouvernement béninois en matière de protection des droits humains », fait savoir l’ONG. Amnesty International a aussi constaté « un niveau alarmant » qu’a atteint « une vague d’arrestations arbitraires de militants politiques et de journalistes lors et la répression de manifestations pacifiques » lors des législatives de 2019.
La décision de suspension du Bénin des pays d’origine sûrs n’a pas été motivée. Elle n’indique pas non plus les raisons de la suspension de cette liste de pays d’origine sûrs. D’après l’OFPRA, une personne originaire d’un de ces pays « ne peut bénéficier d’une admission sur le territoire au titre de l’asile (elle n’obtiendra pas d’APS [autorisation provisoire de séjour, ndlr], ni de récépissé ». En suspendant le Bénin de cette liste, l’OFPRA ouvrirait la voie alors à des demandes d’asile de la part des Béninois.
Certains Béninois, des opposants pour la plupart, se disent persécutés par le pouvoir en place. Ils se déclarent, pour ceux à l’extérieur, comme des exilés politiques. Le pouvoir considère que ce sont des personnes qui ont fui la justice de leur pays. On devrait savoir si le Bénin sera intégré dans la liste des pays d’origine sûrs dans le second semestre de l’année 2021. Patrice Talon ou un autre président de la République sera alors à la tête du Bénin.