De multiples accords sont ratifiés au Bénin pour l’intégration sous-régionale et internationale. Des traités auxquels le pays adhère pour affirmer sa détermination de participer au bien-être des peuples. Mais il se trouve que ces accords paraissent par moment comme des cordes au cou des gouvernants.
Au Bénin comme ailleurs les dirigeants se retrouvent entre le marteau et l’enclume. Des situations où l’obligation du respect des accords ratifiés se présentent à eux dans un fleuve d’embarras, les mettent devant le fait accompli et même parfois dans une bouée d’inaccomplissement des promesses endossées à l’international. En un mot, le dilemme reste le respect de ces accords et la défense des initiatives propres aux gouvernements. Le cas bien illustratif est celui de la charte africaine des droits de l’homme ratifiée par le Bénin. Le Bénin ayant adhéré au protocole de création de la cour africaine des droits de l’homme et des peuples est interpellé par cette dernière dans des affaires l’opposant à ses propres citoyens qui l’accusent de violation des droits individuels.
Pour la deuxième fois depuis 2019, Sébastien Ajavon, homme d’affaires et opposant béninois a saisi la cour. La première fois pour un recours contre sa condamnation à 20 ans d’emprisonnement rendue par la CRIET (cour de répression des infractions économiques et de terrorisme) et la deuxième fois pour la violation de ses droits de participer aux processus électoraux. En 2019, l’État béninois avait perdu le procès. Les ordonnances de la cour africaine des droits de l’homme et des peuples faisant injonction à Cotonou d’annuler des décisions notamment dans l’affaire dite ‘’des 18kg de cocaïne pure’’ n’ont pas eu de suite. La dernière en date intimant au Bénin l’ordre de surseoir l’élection communale de mai 2020 est aussi loin d’avoir un écho favorable.
Dans cette deuxième saisine de Sébastien Ajavon, Cotonou juge la cour africaine incompétente et rejette les allégations du requérant, la conséquence est la poursuite du processus électoral en cours. Il se pose alors la sempiternelle question de la souveraineté qui s’oppose bien souvent aux exigences des instruments juridiques internationaux. La question étant de mesurer l’impact d’une élection suspendue de point de vue politique interne, de point de vue vitalité institutionnelle, cohésion sociale à l’interne. Autant d’éléments dont le gouvernement est garant et sur lesquels les conséquences ne semblent pas être une préoccupation pour la CADHP.
Le gouvernement béninois sous le poids constitutionnel
Une élection sur un territoire est du ressort de l’État. Un scrutin donc relève des prérogatives et de la souveraineté d’un peuple. Comment alors accepter suspendre un processus électoral de proximité qui va désigner 1815 élus communaux, processus qui va déboucher sur la désignation de 77 maires devant conduire les destinées de leurs différentes localités ? Serait-il responsable de la part d’un État de suspendre une élection après avoir dépensé tant de moyens pour son organisation, et déployé tant de logistiques ? Cette élection est une obligation constitutionnelle par ailleurs. Le corps électoral convoqué depuis le 22 janvier conformément à la constitution. Le ministre Alain Orounla, porte-parole du gouvernement en réaction sur RFI s’est indigné contre l’ordonnance de la CADHP en expliquant qu’il
n’appartient pas à une juridiction de s’immiscer dans le processus électoral d’un pays souverain du respect de sa constitution qui l’oblige à organiser des élections à bonne date
Une première réaction du gouvernement qui en dit long sans être la position définitive de ce dernier. Il faudra attendre mercredi 22 avril 2020 à l’issue du conseil des ministres pour voir ce que sera la réaction du gouvernement dans ce conflit qui l’oppose à Ajavon et qui se joue à Arusha en Tanzanie. Mais il est certain que l’État a le devoir de protéger les intérêts de ses citoyens. Ces milliers de citoyens engagés dans la compétition électorale et ayant dépensé énergie et ressources ont besoin de voir l’aboutissement de ce processus. Enième cas où, au Bénin comme ailleurs les traités et leur respect se heurtent aux devoirs internes de la marche d’une nation. Un cas d’école loin d’être anodin. Patrice Talon lui-même dans une autre vie, avait traité son propre pays d’«Etat voyou » pour les mêmes faits. Comme l’histoire peut heurter la ronde du temps.