Avec le renouvellement partiel des chefs des préfectures, Patrice Talon confirme une fois de plus sa mainmise sur toute l’administration qu’il contrôle en réalité depuis plusieurs années.
Patrice Talon peut maintenant certainement se concentrer beaucoup plus sa famille. Depuis quelques heures, une photo circule sur les réseaux sociaux. On y voit un Patrice Talon souriant aux côtés de son fils, Lionel Talon. Une dizaine de jours plus tôt, le chef de l’Etat réélu posait en famille à Porto-Novo lors de l’investiture pour un second quinquennat. En 2016, lors de sa première prestation de serment, les Béninois n’avaient pas assisté à pareille exposition de ses deux enfants. Retour donc de plus de présence pour la famille ? La première dame, Claudine Talon et les enfants sauront juger.
Car Patrice Talon ne devrait plus vraiment être occupé concernant la gestion du pays, du moins pas dans l’immédiat. Le président de la République a su déjouer le casse-tête du remaniement ministériel d’après élection, justement en ne remaniant pas vraiment son gouvernement : un ministre de la décentralisation qui remplace à l’Intérieur Sacca Lafia, appelé à servir ailleurs. Un nouveau ministre de la décentralisation venu du PRD, le ministre de l’enseignement secondaire remplacé, le ministère de la communication supprimé. Son locataire, l’ancien porte-parole du gouvernement, Alain Orounla, se retrouve à la préfecture du Littoral. Une récompense après les moqueries des Béninois sur les réseaux sociaux. Autre récompense, la nomination de préfets issus d’autres partis soutenant le chef de l’Etat.
Hautement social
Passée l’étape des nominations, les Béninois attendent de Patrice Talon la suite des réformes. Il faut dire que son programme 2021-2026 « le développement ça y est » n’a pas vraiment trop tenu en haleine, pas mieux en tout cas que le Bénin révélé. A la décharge de « le développement ça y est », une compétition électorale moins relevée. L’opposition n’a rien fait non plus pour éviter une victoire à la soviétique de Patrice Talon.
Depuis sa réélection, les opposants à Patrice Talon sont d’ailleurs devenus amorphes, peut-être parce qu’amputés de plusieurs membres dont certains sont en prison et d’autres en exil. Aucune prise de position sur les questions qui fâchent et qui touchent directement la vie des Béninois : la question des poubelles à 25.000 par exemple. Ou s’ils s’expriment, la voix de l’opposition n’est pas perceptible, alors que la grosse majorité des médias, via les contrats avec le gouvernement, doit parler le même langage que la Rupture. Une critique relayée et le média peut perdre une manne financière. De même, les médias du service public – ce n’est pas inédit – sont incapables d’aborder des questions de société pourtant basiques mais qui pourraient fâcher le régime. Les Béninois se sont détournés du coup des médias traditionnels. Le pouvoir en place l’a compris et intensifie la communication sur les réseaux sociaux, avec l’aide de ses ardents défenseurs, les fameux « klébés ».
2023
Les voix critiques, pour le peu qui en reste, sont noyées dans un océan d’éloges d’un pouvoir qui aurait une gestion excellente, selon ses partisans. Les institutions de la République sont toutes contrôlées par des personnalités nommées par Patrice Talon. La toute nouvelle Cour des comptes n’y a pas échappé. Ce statut quo demeurera au moins jusqu’en 2023, année d’élections législatives, avec le retour peut-être au Parlement de voix dissonantes. Patrice Talon aurait alors bouclé, entre 2019 et 2023, quatre ans de gouvernance sans une opposition au Parlement, haut lieu de la démocratie.
Pour peu que l’opposition engrange des sièges de députés dans deux ans, Cotonou (le gouvernement) pourrait entendre de nouveau la colère venue de Porto-Novo (le Parlement). Avant cela, le peuple peut se satisfaire ou avaler des couleuvres dans le second mandat hautement social promis par Patrice Talon. Silence, on gouverne !!!