Avant Patrice Talon et Ajavon, il aura été la grande frayeur de Boni Yayi un mandat et demi durant. Abdoulaye Bio Tchané a cristallisé les attentions du seigneur de la refondation. Pour pas mal de temps, l’économiste de classe mondiale doit s’être aussi rêvé en président. Un rêve aujourd’hui à oublier, la faute à un Talon qui déblaie tout y compris les rêves connus de ses plus proches alliés et collaborateurs.
Un technicien hors pair. Une tête comme le Bénin peut en être fier. De la banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) à la BOAD en passant par le FMI, Abdoulaye Bio Tchané (ABT) s’est montré inoubliable aux yeux de l’Afrique, mais aussi de ses concitoyens. Sa carrure de cadre de grande renommée va se nourrir aussi de cette légende bâtie quand, ministre des Finances il a contribué à soulever quelques gros lièvres sous la présidence du général Mathieu Kérékou.
Patrice Talon qui se veut ancré dans une gouvernance à la fois contre-corruption et optimal-planification va baser sa prospection sur l’expérience à toute épreuve de l’économiste natif de Porto-Novo et originaire de Ouaké. Sur le plan macro-économie, le pari du chef de l’État est un pari gagnant. Jamais Cotonou n’a affiché autant de succès sur le plan des indicateurs. Toutes les institutions décernent au gouvernement des satisfécits les uns plus loquaces que les autres. Les prévisions ne trahissent pas l’évidence d’une gestion économique disciplinée comme peut l’inspirer Abdoulaye Bio Tchané.
La faute au mandat unique
Loin de ses bureaux imposants du Ministère du Plan et du Développement, le jeu politique semble de moins en moins réussi à l’ancien leader des Taba Ti Taaba. Plus la réforme du système partisan prend ses marques et impose son diktat, moins les chances du ministre du plan se font visibles. Pourtant dans la foulé du deuxième tour de la présidentielle de 2016, si Abdoulaye Bio Tchané avait accepté entrer dans la coalition qui va sacrer Talon président de la République, c’est certes pour empêcher son rival Boni Yayi de gagner avec son candidat Zinsou. Mais ABT misait sur le mandat unique promis par le promoteur de la rupture. Un candidat et ensuite président qui semblait de toute évidence monter une certaine aversion pour la politique et le double mandat, tel que le dispose la constitution béninoise.
Comme pour donner raison à l’autre qui par sentence disait que les promesses électorales n’engagent que ceux qui y croient, le pari de Tchané sur un mandat unique va s’effriter au fil des jours que Talon passe à la Marina. A Tchaourou, en plus de reconnaître qu’il y a encore beaucoup à faire, le chef de l’État a dit être surpris de la courte durée des 5 ans. Des mots voilés à peine pour annoncer les couleurs d’une possible candidature en 2021. En plus, le Bloc Républicain, l’un des deux partis aux premières lignes de la mouvance et dont il est le premier responsable, a déjà choisi son candidat : Patrice Talon. Un désaveu pour Bio Tchané qui voit ses dernières chances échoir dans les oublis.
En plus d’être hors course pour la présidentielle, Abdoulaye Bio Tchané s’est aussi éloigné des starting-blocks pour la vice-présidence. De fait, on voit mal la colistière ou le colistier de Patrice Talon venir du Bloc républicain. Le parti en face, l’Union Progressiste, à qui le Bloc Républicain a brûlé la politesse en désignant Talon pour porter ses couleurs, devra sans doute tenter au moins de placer un de ses membres pour ce poste. Talon candidat à sa propre succession devra sans doute trouver une formule pour combiner une liste qui rassemble non seulement ces deux partis, mais aussi tous les partis acquis à sa cause. Une partie pleine d’équations sans doute auxquelles le chef de l’État réserve des réponses surprenantes. Si surprise il y aura, il faut tout de même s’attendre à voir Abdoulaye Bio Tchané ailleurs qu’à la vice-présidence. Combattre Boni Yayi, espérer lui succéder pour finir ministre pas plus, crépuscule d’un rêve politique auquel beaucoup croyaient.