Depuis jeudi 1er octobre, le gouvernement a lancé une campagne. Elle vise à valoriser les produits locaux. Pourtant, cette campagne ne suffira pas à mettre fin aux produits importés.
Les Béninois détestent les produits Made in Benin. Le cinglant constat a été fait par la ministre de l’industrie et du commerce, Shadiya Alimatou Assouman, à l’occasion du lancement officiel du « Mois du consommons local ». Pour la ministre, « le Béninois place au premier rang de ses choix les produits importés ». Venant de la ministre chargée de défendre la consommation locale, il y a de quoi se résigner. Visiblement, c’est ce que ne veut pas faire le gouvernement. Il décide de consacrer tout le mois d’octobre à la consommation locale. Les populations sont ainsi encouragées à jeter leur dévolu sur les produits fabriqués par les Béninois, fabriqués au Bénin. « C’est le mois de la révélation de tous nos produits locaux », insiste la ministre Assouman.
En consacrant tout un mois à la consommation locale, le gouvernement veut démontrer combien il est important que les populations pensent d’abord Bénin lorsqu’elles veulent consommer. « Nous devons aimer les produits locaux », exhorte Shadiya Alimatou Assouman. Il est en effet difficile pour les éleveurs de poulets et de lapins de faire de bons chiffres d’affaires si les populations mangent des poulets importés. La liste est longue.
Montrer l’exemple
Le Bénin est tellement champion dans l’importation qu’il finit par écouler chez ses voisins le surplus de produits. On appelle cela la réexportation, un mot bien connu au sein de l’Institut national de la statistique et de l’analyse économique (INSAE). D’après l’institut, les importations de marchandises ont connu une baisse au deuxième trimestre de l’année 2020. Elles représentent tout de même plus de 280 milliards, comparées au plus de 111 milliards d’exportations dans la même période. Selon la ministre Assouman, ne pas consommer local menace l’économie. Le problème ? Depuis 1960, les différents régimes ont échoué à renverser la courbe de la supériorité de l’importation sur l’exportation.
A son avènement, le régime de la rupture a mis en place les Agences Territoriales de Développement Agricole (ATDA). Leur objectif est de promouvoir les filières agricoles. Il revient alors aux populations de consommer les produits locaux s’ils arrivent sur le marché. S’ils sont consommés, ce sont bien des entrées d’argent pour le Bénin. La Covid-19 a montré combien il était important d’avoir des entreprises sur son territoire, au lieu de commander des produits de l’extérieur. L’exemple des masques venus de la Chine. C’est pour cela que le gouvernement ne doit pas s’arrêter à un seul mois du consommons local. Il doit poser des actes dans le sens du consommons local afin que les populations suivent la dynamique.
Subventions, protectionnisme
Mais le consommer local doit aller au-delà des produits que nous mangeons et buvons. Les populations peuvent visiter des lieux touristiques du Bénin. Elles peuvent faire recours aux meubles fabriqués au Bénin, ne plus surtout avoir honte de parler sa propre langue. Il ne s’agit nullement de renier ce qui vient d’ailleurs mais de consommer ce qui est de chez soi et d’en offrir aussi à l’étranger. Pour parvenir à consommer local, il faut ce déclic, comme l’a esquissé l’activiste Sandra Idoussou dans une chronique dans le journal La Nation, mercredi 23 septembre. « Regardez vos meubles, rideaux, votre habillement, votre coiffure si vous êtes une femme, le type de musique ou l’émission télévisée que vous suivez en ce moment. Rappelez-vous les produits utilisés ce matin dans votre salle de bain », écrit-elle. Elle ajoute que consommer local n’est pas un signe de pauvreté.
Le gouvernement vient de donner le ton de la consommation locale. Il doit le matérialiser en subventionnant les nombreux artisans et entrepreneurs qui valorisent les produits locaux. Ces acteurs ont besoin du coup de pouce du régime de la rupture, comme il le fait dans d’autres secteurs. Patrice Talon, qui a montré sa capacité à franchir le rubicond dans certains domaines, ne devrait pas hésiter à faire preuve parfois de protectionnisme. C’est à ce prix-là aussi que le consommons local aura tout son sens.