L’ancien Premier ministre ivoirien, Hamed Bakayoko, est mort à l’âge de 56 ans. Assez tout de même pour faire mieux que nos 61 ans d’indépendance au Bénin ?
Le Bénin est certes un petit pays mais difficile à gérer, comme le martèlent régulièrement les acteurs politiques du pays. Un pays où le consensus est érigé à valeur constitutionnelle dans le domaine politique et dans lequel ce consensus peine à être concrétisé quand vient l’heure décisive. Même la Conférence nationale des forces vives de la nation de février 1990 n’a pas rencontré l’assentiment de tous les Béninois, le parti communiste du Bénin (PCB) en premier.
Alors que la dépouille du Premier ministre ivoirien Hamed Bakayoko a été rapatriée le week-end écoulé de l’Allemagne, les hommages se poursuivent dans son pays. La Côte d’Ivoire a décrété une semaine de deuil national en hommage au Golden Boy qu’un cancer du foie a terrassé. Depuis l’annonce de sa mort, les Ivoiriens sont inconsolables, mouvance et oppositions confondues. Pas un seul son de cloche négatif au sujet de l’ancien député d’Abobo à Abidjan, ancien député de Séguéla (centre-ouest), ancien ministre de l’Intérieur, ancien ministre de la Défense…tout est devenu ancien depuis l’annonce de sa mort mercredi (10.03.21). Hamed Bakayoko faisait consensus.
Tous vomis
Même au Bénin, pourtant pas son pays, l’ancien Premier ministre ivoirien faisait consensus. Une manière d’administrer une gifle à nos acteurs politiques et de la société civile : nous n’avons pas de Hamed Bakayoko au Bénin. En écrivant ces lignes, je sais déjà que je ne fais pas ou ne ferai pas consensus : notamment auprès de ces personnes qui ne veulent pas lire ma vérité, la vérité. Le Bénin est un pays de clivage et cela ne date pas d’aujourd’hui. Tout comme le fait d’affirmer que ces clivages ne sont pas toujours liés ou exacerbés pendant les élections. Du coup, personne ne fait consensus, ni parmi les jeunes encore moins parmi les patriarches de la vie politique.
Le regretté Albert Tévoèdjrè, le renard de Djrègbé, pouvait être adulé par une partie de l’opinion publique et vomie par une autre. L’ancien président Mathieu Kerekou passait pour un homme de paix auprès de certaines personnes. Mais sous son régime pendant la période révolutionnaire, des personnes ont été torturées. Il est mort en 2014 avec une prise de position qui ne fait même pas l’unanimité : les Béninois sont des intellectuels tarés. Encore en vie, l’ancien président Nicéphore Soglo essuie régulièrement des critiques, des personnes n’hésitant pas de lui demander d’aller se reposer, prétextant que son opposition farouche au régime actuel est due aux déboires judiciaires de son fils Léhady Soglo. Tout ça se passe sur les réseaux sociaux. Les réseaux sociaux, le mot est justement lâché !
Il est des jours où on n’a aucune envie de toucher à son téléphone tant les réseaux sociaux au Bénin sont devenus un véritable enfer. On insulte au quart de tour, on vous traite de tous les noms d’oiseaux à la moindre réaction. Le journaliste que je suis est obligé de consommer tout ça et de constater surtout que les actes héroïques et les hommes dont on parle dans des publications sont loin de faire l’unanimité. Rien ne plaît à tous les Béninois.
Le gari et Les Ecureuils
Pourtant, je ne saurai terminer sans essayer de vous dire ce qui à mes yeux pourrait faire consensus (cela peut paraître subjectif). Je citerai ainsi la farine de manioc, communément appelé gari. Même si d’aucuns estiment qu’à force de trop le consommer, on en arrive à avoir des maux de ventre, c’est un repas qui fait consensus au sein des populations qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts. On voit clairement que même le gari le sauveur ne fait pas l’unanimité. Le gari peut s’avérer pourtant un véritable ersatz alors que bien de personnes ne bénéficient pas des gains de la prospérité partagée chantée par les gouvernants. De même, la sélection nationale de football Les Ecureuils pourraient faire consensus. Lors de leur dernière participation à la phase finale de la CAN, la sélection nationale est parvenue en quarts de finale, une première dans l’histoire du pays. Les Béninois dans leur ensemble ont poussé cette équipe, dans les villages et villes du pays. Ils ont vibré et espèrent encore avoir de bonnes sensations si l’équipe se qualifie pour la CAN au Cameroun.
On partage avec eux cet espoir. Car il est important dans l’histoire d’une nation que tout le monde soit uni autour d’une personne, d’une cause. Cette unanimité soude le pays, rend fier d’appartenir à ce pays et renforce l’envie de se battre pour lui et monter haut ses couleurs. Cela attise la flamme du bonheur et donne des ailes. Des gens s’identifient à cette cause ou à cette personne. Au-delà, cela entretient l’économie du pays, fouette aussi l’orgueil de ses ressortissants qui peuvent bomber le torse en s’écriant « je viens du Bénin », pays où même le nom ne fait pas l’unanimité comme Hamed Bakayoko.