Alors que le chef de l’Etat se rapproche de la fin de son quinquennat, ses soutiens ne cessent de lui demander de se lancer dans la course à un second mandat. Chose pour laquelle il avait pourtant exprimé une aversion.
Il y a des signes qui ne laissent aucun doute sur le second mandat du président Patrice Talon. Lui qui avait pourtant prêté serment, devant les mânes de nos ancêtres qu’il n’en ferait qu’un seul. Cela sous-entend qu’il ne sera pas candidat en 2021. Mais à moins d’un an de l’échéance, les maîtres-chanteurs sont déjà à l’œuvre pour donner sens au « j’aviserai ». Une autre profession de foi qui remet en cause le mandat unique. Du plus petit au plus grand, des regroupements circonstanciels ou déjà existants, chacun y va de sa touche et à sa manière pour achalander cette saison d’appels à candidature. Dans ce lot, se retrouvent également des figures politiques qui sans aucune hésitation montrent leur engagement à amener le Prince de la rupture à renoncer à son vœu.
A cet effet, à la suite de son président Louis Vlavonou, Sèdami Mèdégan, députée Union Progressiste élue dans la 15è circonscription électorale, n’est pas allée par mille chemins pour rendre encore plus banale la parole du chef de l’État. « Il faut qu’on se batte pour qu’il (Patrice Talon ndlr) ne tienne pas parole », a-t-elle déclaré face à des confrères d’un journal de la place. Une déclaration qui, en plus de faire la promotion de la vertu dans le sens contraire, lève un coin de voile sur l’incapacité des soutiens de cet homme d’État à continuer les oeuvres entamées par lui.
Porter en triomphe
En attendant que l’intéressé même se prononce sur l’éventualité de sa candidature en 2021, retenons que, qui ne dit mot, consent. Le chef de l’Etat a toujours fait le vœu de finir son seul et unique mandat en beauté. « Je voudrais qu’à la fin de mon mandat, les Béninois me portent en triomphe », avait-il fait savoir. Chose curieuse, certains citoyens animés de bonne ou de mauvaise foi refusent d’accompagner l’homme dans cette dynamique. Lui que toute la communauté internationale suit de près pour prouver une fois encore que le Bénin sait étonner.
Après donc les assises de février 1990 ayant ouvert la voie au renouveau démocratique, le locataire de la Marina pourrait ouvrir une nouvelle porte du processus démocratique en cours dans le pays, s’il ne se déclare pas candidat en 2021. Mais à suivre de près l’actualité, la probabilité est trop faible, si bien que d’aucuns se demandent à travers ces sollicitations de second mandat, si le chef de l’Etat n’est pas en train d’aviser déjà.
En tout cas, les populations retiennent, pour l’heure, leur souffle étant donné que la constitution béninoise, celle de décembre 1990 prise telle, tout comme celle révisée en novembre 2019, offre une nouvelle chance à l’homme du 06 avril 2016, de briguer un second mandat à la tête du pays. Seul hic, il s’agit d’une question de la parole donnée et à ce niveau, le président Patrice Talon met sa conscience à l’épreuve. Avec celle aussi des autres acteurs politiques béninois.
« L’exigence morale » de Patrice Talon à l’épreuve du pouvoir
« Le pouvoir est comme de l’alcool » disait Amadou Hampaté Bâ. Et comme d’habitude, le goût du pouvoir attire encore plus quand on est à la fin ou proche de la fin de règne. S’en suit donc l’envie de s’accrocher au bifteck tel un gecko.
Porté au pouvoir en 2016 par la coalition de la rupture, le chef de l’État béninois, est face à un grand dilemme. Celui de respecter sa parole du mandat unique ou de revenir sur son engagement pris avec les membres de cette coalition alors candidats. Quand on se réfère au protocole d’accord validé par les parties prenantes, et rendu public par l’actuel ministre d’État chargé du Plan et du Développement Abdoulaye Bio Tchané, le mandat unique, un aspect capital, était bien inscrit au point 2 de ce protocole d’accord en ces termes : « Considérant l’engagement du candidat Patrice Talon à ne faire qu’un mandat en qualité de président de la République ».
Mais face à l’avalanche des appels à candidature tous azimuts, Patrice Talon est donc tenaillé. Devant lui, en plus du peuple à qui il doit respect de la parole donnée, se dressent ses partenaires politiques, notamment ceux qui sont restés fidèles malgré tout jusqu’à présent. Les décevoir en revenant sur sa parole et se présenter une seconde fois sera définitivement l’acte de divorce entre les rescapés de cette coalition de rupture.
Les potentiels dauphins, lutteurs par procuration
Si la course au dauphinat est une rude épreuve, elle est encore plus rude dans de telles conditions. Dans la désormais grande ou petite famille de la rupture, les potentiels dauphins sont tapis dans l’ombre, rongés par le conflit de sentiments que créent l’envie de succéder au chef et la peur de l’exprimer. Dans ce lot, bon nombre laissent les observateurs et les populations lutter à leur place en rappelant telle une prière à Patrice Talon, sa promesse du mandat unique. Des traits caractéristiques du politicien béninois qui refuse de s’assumer, de faire un choix politique, au risque de se faire griller. Pour eux, du soutien aveugle ou forcé au suivisme béat, le plus important, c’est d’être en attente pour récolter le fruit du combat.
Comme ce fut le cas au temps de l’ancien président Boni Yayi, l’horizon est flou pour les potentiels dauphins en cette fin de règne de Patrice Talon. Pire, le clair sombre qu’entretiennent l’homme du 6 avril 2016 et ses caciques sur le mandat unique, est un autre casse-tête pour les lutteurs par procuration. Une chose est sûre avec ces suscitations de candidature qui ne faiblissent pas. Soit Patrice Talon a déjà avisé, soit il fait de la diversion mal inspirée parce que c’est du déjà-vu.