L’armée béninoise on le sait est passée maître à chiper le pouvoir. De 1963 à 1972 sa célébrité a valu au pays le surnom de « l’enfant malade de l’Afrique ». Cet épisode est révolu. En 1990, les militaires béninois se sont repentis. A cette occasion, pour le moins historique, les différents corps jouant leur partition aux côtés des autres composantes de la république ont renoncé au pouvoir. L’armée béninoise peut avoir tous les vices mais l’on peut témoigner qu’elle aura tout de même tenu parole.
De 1990 et la démocratie retrouvée à ces jours de doutes démocratiques, ces jours de réformes perlées en pratiques électorales, jamais l’armée n’a pointé dehors son arme de gourmandise de pouvoir. Les bottes et treillis sont restés aussi disciplinés et concentrés sur la cause de la sécurité nationale. Même quand entre 1995 et 1996 le règne Soglo introduit des tumultes politico-sociaux, les forces armées sont restées à leur place : les garnisons. Le phénomène Pascal Tawès a fait certes courir la hiérarchie mais la barque est restée droite et la masse militaire acquise à la promesse d’un retour éternel dans les garnisons. Une position qu’à plusieurs reprises les civiles, des hommes politiques n’ont pas manqué l’envie d’ébranler en invitant l’armée ouvertement à intervenir, à prendre le pouvoir.
Quand dans l’incertitude de voir Mathieu Kérékou lâcher le pouvoir à la fin de son mandat, acteurs de la société civile comme hommes politiques ont appelé l’armée à la rescousse. Des appels, face auxquels les hommes en armes sont restés dignes. Yayi Boni, à la fin de son mandat, les velléités révisionnistes se faisant persistantes, toujours les civiles ont eu l’intelligence en berne de demander l’intervention salutaire des forces de défense. Patrice Talon lui-même dans ces pérégrinations réformatrices a eu le flair d’inspirer à certains, pareilles envies.
Voir cette armée aussi parée contre la tentative facile de coup d’Etat, de coup de force pour aller à la Marina, on peut s’interroger sur les motivations qui aujourd’hui, donnent à notre grande muette une envie de s’offrir la peau de Patrice Talon. Le président et l’armée, la population n’en sait pas assez.
Coup d’État ou coup d’éclat ?
Des tentatives de coup d’État qui se succèdent et se ressemblent à la lettre : échec, modes opératoires et formats d’annonce, tout est identique. Les différentes tentatives de coups d’États ont jusqu’ici été déjouées, c’est toujours un petit groupe de militaires dont jamais le moindre nom ne fuite. c’est toujours les mêmes canaux d’information : Jeune Afrique ou Lettre du Continent qui les dévoilent des jours plus tard presque dans le même style. Et comme par le passé, ce coup d’État, a eu une explication d’une source proche du palais qui précise à Jeune Afrique que les tentatives de renversement du chef de l’État béninois sont dues aux réformes en l’occurrence les réformes structurelles touchant l’armée. S’il faut admettre que les réformes depuis 2016 bousculent tout le monde, expliquer tout le désamour Talon – armée avec rien que ça est contraire à l’histoire de cette armée qui a renoncé depuis 1990 à ce petit jeu.
La communication avec toujours cette même formule où l’information tombe de l’extérieur et la presse locale qui récupère puis le silence. La presse locale, qui dans ces conditions, devient un partenaire de second rang, un second couteau, bref une caisse de résonnance ubuesque. Jamais une source locale crédible n’a confirmé à un média local les faits. Après les tentatives de coups d’État passés, Patrice Talon lui-même dans ses sorties qui ont suivi, n’en a jamais fait cas. Une option de communication politique qui maintient le flou autour des velléités le visant. Une chose est certaine et les béninois le savent : Patrice Talon ne dit pas tout de ses relations avec ces groupuscules qui, par désamour tentent tant à lui faire la peau.
A l’annonce de cet énième coup d’État manqué (le 3è du rang), les béninois sont restés dubitatifs, certains rieurs et moqueurs ont trouvé le sujet de plaisanterie pour changer d’humeur coiffée par la psychose liée au Coronavirus, sans oublier ces pluies diluviennes qui ont transformé les villes de Cotonou et de Calavi en rivières avalant les précieux travaux d’asphaltage qui leur donnaient un beau et nouveau visage.