« Emprunts faramineux », les taxes et redevances, « les facéties du tumultueux préfet Toboula », la gouvernance par le principe du « diviser pour mieux régner »… Autant de sujets ont meublé cette nouvelle sortie de l’ancien ministre de Yayi Boni Galiou Soglo. C’est sur sa page Facebook que cet ancien député, a remis une couche sur la gestion de Patrice Talon qui est sans lendemain meilleur pour les populations béninoises. Il n’a pas occulté l’aspect social dans la gestion de la crise sanitaire liée à la Covid 19. Selon lui, débloquer 74 milliards et les orienter tels, est une « hérésie ». Une autre « hérésie » à but électoraliste c’est le lancement d’un programme de 40 milliards environ à l’attention des jeunes et leur emploi à neuf mois de la fin de mandature.
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Il faut que je vous dise…
Il y a quelque chose qui me démange dans le timing du régime de la rupture et de sa réelle volonté de développement de notre cher pays le Bénin.
Nous sommes à quelques encablures des prochaines élections présidentielles et il nous donne l’impression de rentrer en campagne électorale avant l’heure.
Le Président Talon a pris les rennes de la république un 6 avril 2016. Pour tout acte marquant ce début de mandat, notons les déguerpissements sauvages à tout va. Les populations de Cotonou ne pourront oublier de si tôt les facéties du tumultueux préfet Toboula! Puis incrédule, nous assistons à une main mise en règle sur l’économie nationale avec dans un premier temps un retrait de 12 milliards que le président s’octroie dès le premier conseil des ministres du 10 avril 2016, puis liquide méthodiquement la SONAPRA en réclamant 17 milliard et s’accapare les stocks d’intrants d’un montant estimé à 20 milliards au profit de la SODECO (son entreprise). Dans la poursuite de son dessein, la suite consiste à la préemption des pans entiers de certains secteurs les plus juteux du pays avec par exemple l’affaire morphodys de l’aéroport de Cotonou, le port autonome de Cotonou et le programme de vérification des importations connu sous l’acronyme de PVI. Le port et la SBEE mis en gestion déléguée avec des contrats occultes et je n’oublie pas l’appropriation du leasing des voitures d’Etat. Le Ravip qui coûte 46 milliards (au lieu de 20 selon les mauvaises langues) aux contribuables béninois et qui ne sert à rien puisque nous sommes dans une république qui nomme et désigne ses «Elus », l’attribution de l’immeuble des affaires étrangères sous-évalué est préempter par la haute autorité, alors que c’est cela relève du domaine de l’Etat.
Malheureusement en plus de tout perdre, le peuple souffreteux subit depuis 2016 une avalanche de taxes et redevances qui s’abattent sur lui à une cadence métronomique : taxe sur les véhicules à moteur, taxe sur l’exportation de la ferraille, taxe sur les pierres précieuses, taxe sur le thé, redevance de viabilisation et d’aménagement urbain (RVAU), taxe à l’embarquement, taxe au profit de la commission de l’UA, pas moins de 16 taxes au total crées en cette seule année. Je n’oublie pas le PAG qui nous laisse un goût d’inachevé dans la bouche avec L’aéroport de Glo qui demeure une éternelle chimère, l’hôpital de référence reste de la pure communication politique, le contournement de Cotonou un vœux pieux, la kyrielle de logements sociaux peine à sortir de terre, la création de la cité internationale de l’innovation et du savoir toujours à l’état de maquette etc..
A ce tableau peu reluisant, il faut ajouter les emprunts faramineux contractés par notre pays, titillant ainsi le seuil de convergence toléré au sein de l’UEMOA, les lois liberticides votées par les députés godillots de la 7ème législature, le départ en exil de certains de nos compatriotes, la fin de la liberté de presse couronné par l’emprisonnement de journalistes pour leur fermer le clapet, l’assassinat crapuleux de béninois par la police politique.
Enfin le principe immuable de tout autocrate du «diviser pour mieux régner» dans le seul but de déconstruire le peu de lien qui nous unissait les uns aux autres car ensemble nous étions en capacité de surmonter nos différences comme nous l’avons démontré face à Kérékou I et Yayi II.
Alors dans sa haute bienveillance et sa grandeur d’âme le régime de la rupture à 9 mois de la fin de sa mandature se rappelle au bon souvenir du peuple béninois. Il débloque 74 milliards dans le cadre d’un famélique plan riposte au Covid-19 et tout récemment lance un programme de 40 milliards environ à l’attention des jeunes et leur emploi. Une hérésie, si nous ne sommes pas dans un calcul électoraliste.
Nous sommes tous keynésiens
Fondamentalement, un homme d’État qui à l’amour de sa patrie chevillé au corps et un idéal pour elle aura pour toute démarche de contribuer à son émergence en privilégiant la base de la pyramide des besoins de Maslow. C’est-à-dire entreprendre le développement à la base et non par le haut.
Je prends à mon compte cette formule de Richard NIXON quand il annonçait en 1971 «nous sommes tous keynésiens maintenant», car le devoir de tout homme politique dans un pays pauvre où tout est à faire, n’est pas d’appliquer le libéralisme sauvage comme idéologie de prédilection. La crise de 1929 a mis en évidence les limites du libéralisme en Europe et aux Etats-Unis en particulier. Avec le «news deal» le président Roosevelt va prendre à contre pied les théories libérales de l’époque. En période de crise, l’Etat doit jouer son rôle de régulateur pour relancer la croissance économique. Le président Obama en 2008 en pleine crise des subprimes a utilisé le même levier pour relancer la croissance toujours aux Etats-Unis. Dans un autre style le rôle de l’Etat a été prépondérant dans les années 1990 avec le président SOGLO mais aussi en 2008 avec le président YAYI qui a tenté de relancer notre économie en mettant l’accent sur la consommation. Seul l’Etat peut stimuler la demande dans une réelle politique de relance dont le but ultime sera de lutter contre le chômage et relancer l’activité économique.
L’hérésie que nous propose le gouvernement aujourd’hui a ses limites. On ne peut prendre autant de milliard pour uniquement payer les salaires des jeunes sur une périodicité limitée alors qu’après une véritable réflexion les mêmes dispositions peuvent être prises et mieux pensées dans un programme pour donner des résultats plus efficients. J’ai évoqué des pistes dernièrement en proposant une industrialisation de notre pays mais à petite échelle (transformation) pour commencer. C’est peut être aussi le moment de prendre des risques avec la jeunesse en créant des incubateurs, investir dans le numérique etc.. Avec 38 milliards, il y a matière à faire et créer plus d’emplois durables que ce qui est proposé par le gouvernement aujourd’hui.
Par exemple, j’étais ministre et recevait des stagiaires dans mon ministère. Je n’en avais pas fait la demande mais je ne pouvais pas refuser la main-d’œuvre que le ministère du travail me proposait. Ils étaient envoyés sur des projets ponctuels mais quand ces projets s’achevaient, ces jeunes déambulaient dans les couloirs du ministère ou vaquaient à d’autres occupations. Nous ne pouvons plus régler une crise conjoncturelle avec des solutions d’une autre époque. Il faut une réponse structurelle de l’Etat pour relancer la machine. Le Bénin est une terre d’opportunité et regorge de richesse. Il urge je le répète de remettre le pays au travail.
Le new deal devrait inspirer nos dirigeants par un vaste programme d’après Covid et non par des mesures à l’emporte pièce avec les élections prochaines en filigrane. Le peuple n’est pas dupe. Mais il prendra ce qu’on lui donne.