C’est un écosystème surchargé : radio en foule, télévision en surnombre, papier en abondance. Une surproduction qui noie l’envie de suivre, l’envie de lire, l’envie d’écouter. Un métier où l’honneur est mis sous boisseau, jeté aux plus offrants.
Où sont-ils passés ? Ces vétérans immortels, des vétérans modèles par qui nous jurions jeunes. Où sont-ils les Soulé Issiaka, Euphrem Quenum ? Où sont-ils donc allés les Mouf Liady, René Bèwa, Georges Amlon? Où se sont-ils cachés, ceux par la faute de qui nous sommes empêtrés dans ce métier si terni ? Où sont-ils et pourquoi diable ne répondent-ils pas aux échos des voix de jeunes sans culture perdus dans ce métier ? Un espace qui n’est que jungle et défouloir des « crânes vides », selon certains observateurs. Ils ne répondront pas. Et même indignés, les Noël Allagbada, Philippe N’seck ne diront mot, Nicaise Miguel, Marcel Béria, Expédit Ologou idem. Derrière eux, il en reste, oui, mais ce qui reste de la presse est beaucoup plus du déshonneur, indignité. Quel triste fardeau !
La presse béninoise aujourd’hui est si pâle qu’à l’international elle est aux abois. Les grandes revues de presse créditées se passent royalement de ses colonnes même quand il faut parler du Bénin.
Journalisme de piètre qualité ?
Des rédactions confondues en espace de promotion de toutes les roublardises aux extensions mesquines à faire pâlir Mounier. Le talent, la culture, la déontologie, le mérite, l’éthique, une somme de mots rayés des alentours des médias. Le tout pour baisser ou totalement se passer des salaires. Conséquence, dans les rédactions pullulent des gosses en conflit avec la grammaire, en inimitié avec l’orthographe et la syntaxe. Les colonnes sont prêtes à refouler tout puriste langagier. Les médias, les journalistes sont la risée des hommes de culture, les hommes de foi, de mœurs et de goût. La putréfaction est si énorme qu’être ça (journaliste) n’est plus un honneur et Dieu sait que beaucoup se passent de brandir leur carte professionnelle (si le système leur permettait d’en avoir) quand ils veulent être pris au sérieux. Les témoignages ne sont pas si compliqués à s’obtenir.
De débutants et inexpérimentés en maître, à bord des émissions d’opinion, des intervenants, invités et spécialistes approximatifs, des colonnes d’opinion tenues par des jeunes sans maturité ni parcours nécessaire. Pour d’aucuns, la presse béninoise est aujourd’hui le réceptacle des « zouaves » qui, après des études peu abouties, n’ont que les bancs de rédactions fictives ou réelles pour cachettes. Une cachette vite vécue comme un chemin de croix : privation de salaires, manque de contrat, tout y est pour que les gosses traînent chaque jour les gourdes d’atelier en atelier à la recherche des sandwichs et canettes des organisateurs généreux et de la « conclusion finale »: per diem. Tristes spectacles offerts aux organisateurs.
Vidée de sa superbe pour le bonheur du politique
Face à un métier toute honte bue, les hommes aux moindres orgueils et disposant d’autres possibilités quittent le rayon en fracas. Beaucoup d’anciens hommes de médias ont ainsi fini dans les arcanes de la communication des structures privées et publiques. La migration de ce métier vers d’autres a connu une proportion si inquiétante qu’il faut une thérapie de choc pour arrêter la saignée.
Le politique se sert, à bras rallongés, de la situation. D’ailleurs, le politique n’est plus la menace qui reste dudit quatrième pouvoir. La menace vient de l’intérieur. Les patrons de médias qui se braquent contre toute notion de la liberté et d’épanouissement de leurs employés. Des responsables de rédactions qui sont des annexes des bureaux de responsables de structures faisant répercuter les ordres reçus du haut. Le malaise est de nature à croître l’élan vers le suicide. Pour des curieux qui veulent des preuves ou des cas palpables, faites un tour sur le compte Facebook de Jean Claude Kouagou (ancien journaliste du groupe de presse Le Matinal). Sa lettre de démission reste un chef-d’œuvre descriptif d’une réalité quasi identique aux employés du monde des médias. Didier Hubert Madafimè, de la radio nationale, a également, sur sa page Facebook, dressé une galère que vit actuellement son collègue Déo Gratias Kindoho. La torture morale tout simplement.
Un espace de peu de justice et de qualité, un métier terne, qui n’attire plus que des jeunes qui, une fois dedans, déchantent, telle est la presse béninoise. Un quatrième pouvoir qui se refuse toute capacité au contraire se mue en serpent qui se mord la queue. Elle est remplie d’hommes qui n’ont d’autres alternatives que d’y errer et plein de mercantilisme dans l’esprit. Une réalité connue de tous, une vérité que l’extérieur jette à la figure des acteurs du domaine qui se refusent de l’accepter au nom d’un combat contre l’auto-flagellation. Et pourtant !