En cette fin d’année 2020 où certains pays de l’Afrique francophone ont vu leurs dirigeants prolonger leur bail à la tête des États, d’autres militent pour une alternance démocratique crédible. Dans ce jeu estampillé de révisions de Constitutions, de revirements spectaculaires pour se représenter, ou d’attentisme fait de suspicions de briguer un mandat supplémentaire pour certains, le Niger ne s’est pas fait enregistrer sur la ligne de départ.
Les lauriers à Mahamadou Issifou qui a décidé de respecter la règle constitutionnelle. Pourtant, la fièvre de la démocratie qui s’est installée dans cet espace francophone depuis 30 ans, n’a pas emporté ce pays d’Afrique de l’ouest. Pays le plus pauvre au monde, instabilité politique, ces ingrédients ont fait du Niger, « l’enfant malade de l’Afrique ». Ne l’est-il plus aujourd’hui ?
Des scandales au sein de l’armée
L’alternance qui va intervenir à la suite du scrutin présidentiel (1er tour le 27 décembre, second tour le 20 février) au sommet de l’État nigérien sera une première dans l’histoire politique du pays. Sauf que, l’alternance démocratique n’est pas le seul élément qui fait une démocratie. Et en cela, la démocratie selon Issifou a péché. Les crimes économique ont pris de l’ampleur. Un audit a révélé le détournement de plus de 70 milliards de francs CFA dans des contrats d’achat d’armes. 18 milliards de francs CFA auraient été détournés par des membres du parti au pouvoir dans l’achat d’équipements militaires aux soldats nigériens au front luttant contre les djihadistes. Ces derniers n’ont pas eu maille à partir avec la justice. C’est plutôt les membres de la société civile ayant dénoncé ces détournements qui ont été mis derrière les barreaux. Les acteurs de la société civile nigérienne ont connu une décennie bien chaude avec des passages réguliers devant les commissariats et centres de détention pour divers faits sur la base d’une loi controversée sur la cybercriminalité. Les journalistes Ali Soumana et Samira Sabou en ont fait les frais. Les libertés publiques ont pris de sérieux coups sous le régime du président Mahamadou Issoufou.
En 10 ans de gestion, la pauvreté au Niger n’a pas perdu du terrain. Si le dauphin du président sortant, Mohamed Bazoum, soutient que de 60%, le taux de pauvreté est passé à 40% sous Issifou, le changement n’est pas perceptible sur le terrain. Les populations d’Arlit où est installé Orano, anciennement Areva (qui exploite l’uranium) n’ont pas accès à l’eau potable. L’accès aux soins de santé reste toujours problématique dans plusieurs régions du pays. Du reste, cela n’est qu’un jeu de chiffres.
Le respect des deux mandats présidentiels par le président Mahamadou Issifou n’en fait pas de facto un démocrate. Les troisièmes mandats en Afrique ont annihilé le débat sur le respect des droits humains dans une démocratie. Et c’est là, ce qui donne une belle fenêtre de sortie au chef de l’État nigérien qui entre deux maux semble être le moindre.