MLM, traiding et crypto monnaies, comment internet a racheté Patrice Talon

L’ère Talon est caractérisée par une forte crise de l’emploi. Une situation due aux décisions liées à la liquidation d’agences et entreprises, aggravée par la pandémie de coronavirus. Les jeunes ont trouvé leur salut ailleurs, loin des bureaux et coulisses de l’emploi formel. Internet et ses opportunités volatiles.

Patrice Talon a ouvert son mandat en donnant le ton d’un bouleversement douloureux au service du développement. Le 6 avril 2016, plusieurs travailleurs du ministère de l’Économie et des Finances étaient loin de saisir le vrai sens du discours au ton martial du nouveau prince. Quelques mois après, les douaniers ayant accédé au corps des disciples de Saint Mathieu au dernier concours organisé par le régime Yayi, seront sonnés de rendre leurs treillis. Début d’une purge pour assainir l’administration non seulement de ses agents ayant eu accès au Graal par effraction, au moyen de concours peu crédibles, mais aussi ceux l’ayant fait au moyen de faux diplômes. La suite de cette vague d’épuration de l’administration va se muer en liquidation d’agences, sociétés et services. Les jeunes sont nombreux à avoir perdu directement leurs jobs. Pour ne pas arranger les choses, la loi sur l’embauche va ouvrir les vannes chez les privées à une facilité de licenciement. Le chômage n’a jamais été autant chose banale et touchant les gens, parfois aux profils pourtant bien étoffés. Les récentes données datant de 2018 sur le site de l’INSAE font état de 13,8% de taux de chômage combinés au sous-emploi. Des chiffres qui laissent pantois plusieurs jeunes concernés par le sujet. Pour eux, c’est une sous-estimation de la réalité.

Ailleurs, cette réalité alimenterait les frondes, et nourrirait les insécurités sociales. Au Bénin, avec Patrice Talon, il n’en est rien. Le secret de cette stabilité sociale, se trouve en partie dans le Multi Level Marketing (MLM), le traiding et les crypto monnaies.

Bénin, la nouvelle terre de l’e-business

Désormais sans emplois ni bureaux, ce sont les Androids qui nourrissent plusieurs jeunes béninois. Zakari est l’un d’eux. Il a eu ce qu’il appelle « une nouvelle chance » grâce au MLM, en français, marketing relationnel. « Plusieurs compagnies offrent l’opportunité », nous lance- il. Les compagnies en question sont asiatiques et américaines. Vous ouvrez un compte d’investissement via internet. Des banques en ligne offrent des taux pouvant parfois atteindre 5% d’intérêt par mois. Quand vous faites entrer d’autres investisseurs, le taux d’intérêt peut flamber jusqu’à 16% le mois.

Si le secteur fait des heureux, il n’en demeure pas moins qu’il est parsemé d’arnaques. Les victimes sont nombreuses. Zakari est imperturbable sur cette remarque. « L’emploi, le salariat est beaucoup plus risqué », balance-t-il, avant de nous laisser sans amitié. A sa poursuite, nous entrons dans une salle d’un hôtel bien huppé de Cotonou. Cet après-midi se tient la présentation d’une nouvelle crypto monnaie, « Lunes ». Quand la séance démarre, Zakari ne peut plus répondre à nos questions. Il est tout absorbé.

La crypto monnaie n’est pas encore établie solidement dans le pays. Certains jeunes, rois du jeu, se privent cependant de sommeil pour prêcher la cause des monnaies numériques. Nous avons ainsi pu assister à 6 séances de présentation ou de formation sur des crypto monnaies en moins de 2 mois. « YEM », « Lunes », « BTC », « ETH », « FRI », tout y passe avec pour socle de discours, la promesse de l’indépendance financière et de sécurité sociale. La crypto sphère est intimement liée au traiding et leurs objectifs se ressemblent: donner plus de souffle aux rêves.

Démystifier le trading

Martin tient une boite de formation depuis 2 ans. Sa principale activité, démystifier le traiding. Il forme plusieurs dizaines de jeunes par mois. Les modules de formation vont de l’initiation au traiding professionnel en passant par le traiding à temps partiel. Martin est formel: « ce n’est pas un jeu. Avec un bon capital, dit-il, le métier peut facilement transformer une vie ». Le jeune formateur avertit : « il faut apprendre, le traiding peut ruiner aussi ».

Traider, c’est faire de l’e-commerce des monnaies fiduciaires (forex), de services, des biens des valeurs des entreprises ou justement, les nombreuses crypto monnaies. Le secteur n’est pas encore maîtrisé et régulé par l’État. Les jeunes eux n’attendent pas. Face à la montée de la précarité et au manque d’emploi, ils sont très nombreux à être attirés par l’activité. Là encore, l’arnaque n’est pas loin et sur le réseau social Telegram, la bataille fait rage.

De loin, le gagnant de cette féroce course vers la richesse reste incontestablement Patrice Talon. Il peut encore être tranquille. Tant qu’internet sera une solution, la ruée vers l’emploi n’aura plus suffisamment de conséquences politiques.