Ce n’était ni plus ni moins le rendez-vous manqué de Sèdégan. Cette journée du jeudi 11 juin devrait être celle d’un Bénin qui s’associe à tout le reste du monde noir pour dénoncer l’injustice, la brutalité, le mépris et la violence à l’égard des peaux noires. Une belle occasion de renouer avec Cotonou qui bouge, qui se fâche et sait dire à haute voix ce que pensent ces habitants. Belle occasion mais occasion ratée. La gigantesque marche demandée et programmée par Docteur Emmanuel Sèdégan est reportée à une date ultérieure. Un report au grand dam des marcheurs déjà parés pour dire non aux crimes racistes et autres violences en ce lendemain de la mort de George Floyd. Report aussi qui ne manque pas de mettre en courroux ces nombreuses personnes qui avaient à dire au régime béninois, des choses en rapport à l’insécurité, à certains actes de la Police Républicaine et bien d’autres récriminations et revendications.
Le clash diplomatique de Patricia Mahoney
Il est vrai que nous sommes loin de ces temps où Cotonou était un théâtre de spectacles d’opinions chaudes. Les manifestations et leurs cortèges d’ambiance enflammée souvent contre les régimes sont derrière nous. Les législations, un mutisme que tutoient les organisations de la société civile, l’embrigadement des libertés d’expression ? La réponse, motif de ce constat peut faire objet d’un débat et je sais d’avance que les avis vont dépendre de la position de chacun vis-à-vis du locateur de la Marina et de son régime.
Quant à l’Ambassade des États-Unis près le Bénin, elle ne s’est pas embarrassée. A l’annonce de la marche de protestation contre le décès de Floyd sous le genou d’un policier blanc, la représentation s’est réjouie « du grand nombre de personnes qui organisent des manifestations pacifiques aux États-Unis, au Bénin et dans le monde pour protester contre l’injustice et appeler au changement après la mort tragique de George Floyd ». Un message d’autant plus récupérateur du contexte, pour rappeler la grandeur des Amériques ouvertes à l’expression libre. Une analyse sans grands efforts permet tout de même de lire un message choque envoyé au Bénin où il faut s’interroger forcément sur les raisons pour lesquels les manifestations sur les crises internes sont rares, très rares au point de donner l’impression que les citoyens n’en n’ont plus la possibilité facile. L’impression d’un message envoyé aux mondes moins libres d’ici et d’ailleurs quand on lit dans la déclaration de l’Ambassade que « Les Etats-Unis et d’autres sociétés libres et ouvertes sont renforcés lorsque des citoyens libres exercent leurs droits à la liberté d’expression et de réunion, et qu’ils demandent des comptes grâce à la liberté de presse et à l’état de droit ». Une bien douce leçon de démocratie.