L’opposant malien Soumaïla Cissé et l’humanitaire française Sophie Pétronin ont quitté les geôles de leurs ravisseurs, jeudi 8 octobre 2020. Une libération intervenue grâce à un accord d’échanges de prisonniers entre les factions djihadistes et les autorités maliennes.
Son enlèvement le 25 mars 2020 avait pris de court la société malienne en pleine campagne électorale des législatives dont les résultats controversés ont conduit à la chute du président Ibrahim Boubacar Kéïta. Alors qu’il se rendait dans son fief électoral de Nianfunké situé dans la région de Tombouctou, Soumaïla Cissé avait été enlevé par des hommes armés non identifiés. Son rapt, jusqu’à l’heure de sa libération, n’a pas été revendiqué. Et c’est depuis son lieu de captivité qu’il a appris la chute du pouvoir de son adversaire politique par un coup d’État militaire. Un coup de force salvateur pour l’ancien président de la commission de l’UEMOA puisque, plus d’un mois après le coup d’État du 18 août 2020, la junte qui a renversé Ibrahim Boubacar Keïta, a négocié et obtenu sa libération.
Le chef de file de l’opposition malienne n’est pas le seul otage à recouvrer sa liberté dans cette opération. L’humanitaire française Sophie Pétronin, enlevée depuis 2016 dans le Nord Mali, a aussi été libérée ainsi que deux autres otages italiens qui étaient aux mains des terroristes.
Nouvelle opération de séduction de la junte
Que ce soit au Mali ou en France, le soulagement est total. Les Maliens se réjouissent du retour de l’un de leurs leaders politiques qui manquait inéluctablement à sa formation politique et à sa famille. Ainsi, les putschistes soignent davantage leur image. À travers cette quadruple libération, la junte démontre que le coup d’État du 18 août 2020 n’est pas un bouleversement, mais le point de départ d’un rétablissement de l’ordre sécuritaire et social. Ou encore, ce n’est que la continuité des affaires de la République, d’autant plus que l’ancien premier ministre Boubou Cissé était très avancé dans les négociations avant la chute d’IBK. Le Mali dont la CEDEAO a levé les sanctions mardi 6 octobre 2020 après avoir répondu aux exigences de l’organisation sous-régionale, voudrait bien se servir de cette libération pour séduire le reste de la communauté internationale encore sceptique sur la transition.
Mais il n’y a pas que les militaires maliens qui tirent profit de cette action. L’Élysée en est aussi gagnant. À l’approche de la présidentielle française de 2022, le clan Macron pourrait faire une récupération politique pour sa campagne électorale. Sophie Pétronin étant avant sa libération la dernière otage française dans le monde qui était encore aux mains de djihadistes. Cette libération peut servir de discours politique sur l’efficacité de la diplomatie macronienne.
Une libération polémique
Même si de part et d’autre les familles se réjouissent de retrouver leurs parents, certains observateurs s’interrogent sur le lourd tribut payé pour ces libérations. Avant de relâcher les quatre otages, les autorités maliennes ont dû libérer plus d’une centaine de terroristes, selon plusieurs observateurs et sources.
Des hommes qui ont commis des crimes et qui n’ont de place que derrière les barreaux, ont recouvré leur liberté sans peine. Ces djihadistes relâchés dans la nature ne vont-ils pas reprendre les armes pour renouer avec leurs actes ? Il est certes noble de sauver des vies humaines des mains des extrémistes. Cependant, relâcher les malfaiteurs dans la nature ne semble pas être une solution au problème sécuritaire. Mais l’État malien avait-il une autre alternative ? Difficile à dire.