C’est une camionnette berne. Visiblement le chauffeur a perdu le frein. Un système de freinage sans doute à l’image de ces carrosseries vrombissantes. Quelle durée de vie a eu la machine en Europe et quel âge a-t-elle aujourdhui depuis qu’elle a eu cette nouvelle vie africaine après avoir fait le circuit des « venus de France » ? Difficile de le dire. Mais il y a une certitude inébranlable, la camionnette est vieille et, toute bonne pour tuer.
Ce matin de mardi donc, le chauffeur juste avant le feu toyota en venant de Cadjèhoun, a été trahi par son système de freinage. Entre deux maux il a fait une option : écraser le moindre de personnes. Il va foncer sur les motocyclettes garées à sa droite attendant le signalement vert. Dans ce carnage 4 personnes ont été broyées. Deux autres gravement touchées. Plusieurs motos écrasées dont 4 presqu’irrécupérables.
Un carnage de plus, qui paie la facture ?
Aujourdhui comme hier, seul le pauvre conducteur ira en prison. Dans la cour et la salle, ses purgatoires, il fera don de soi pour une faute qui n’est pas entièrement sienne, en tout cas pas à lui seul. Quelques parts ce matin quand lui chauffeur luttait contre un frein vieux et ingrat, il y a quelque part un homme en cravate dans la climatisation payé par nos soins, des sommes considérables pour veiller, vérifier l’état des moyens roulants. En clair cet homme a donné quitus à la visite technique au camion de notre pauvre chauffeur. Cet agent de l’État que nous payons va rester douillet toujours à attendre notre salaire prochain. Pour lui rien ne se passera et pour notre chauffeur tout est perdu.
Et puis il y a ce monsieur-là. Le propriétaire de la camionnette. Lui qui, pour maximiser les revenues, a dû oublier de faire à temps et régulièrement la maintenance. C’est encore lui qui a trouvé le moyen de s’en sortir à chaque visite technique devant le monsieur précédent celui de la veste et de la cravate. C’est toujours lui qui pour faire plus d’économie a renvoyé peut-être le chauffeur expérimenté pour s’attacher les services de l’actuel moins sûr de lui-même donc moins cher. Et pour tout clore, les agents de sécurité devant qui cette marmonnante camionnette passe toujours et à chaque fois plus grisonnante, qui malgré la rupture trouvent toujours l’acrobatie de fermer les yeux après avoir discrètement ouvert la main.
Tout un système qui remonte à ce bon diable qui fait que notre pays n’a pas une solution << anti venu de France ». Un système de bas en haut qui à chaque perte en vies humaines va s’offrir une crise subite d’émotion et juste après une amnésie collective. Un faux apaisement qui prépare le suivant carnage. En attendant qui paie ? Seul le chauffeur.