Sa disparition est celle qui a marqué les esprits dans le mois de novembre 2020 au Bénin. Des personnalités de tout genre aux citoyens lambda, les hommages n’ont cessé d’affluer sur l’homme, le professeur d’université, le chercheur. Ce qui va certainement continuer jusqu’à la fin de cette année 2020. Abiola Félix Iroko s’en est allé.
L’homme a quitté tristement ce monde qu’il a marqué par son histoire sur les histoires lors d’un accident de moto survenu le 13 novembre. Ne pas revenir sur le parcours exceptionnel du professeur Iroko serait comme un crime commis contre l’humanité. Et pour ne pas être complice d’un tel crime, votre site d’information, fidèle à cette maxime chère au principe journalistique : le journaliste est l’historien du temps présent, revient sur la vie de celui qu’on désigne également par les initiales suivantes : AFI (Abiola Félix Iroko).
Un grand homme tout simplement
Ce qui définit un grand homme, ce n’est pas l’excentricité dans l’habillement, dans les voitures et autres. Ce qui définit un grand homme, c’est l’élégance en toute chose accompagnée d’une modestie et d’une humilité irréprochable. Et le professeur Félix A. Iroko remplit tous ses critères. Ses collègues, ses étudiants, tous ses proches vous diront tous la même chose à son sujet. Il ne vit et ne respire que pour l’histoire, son domaine d’enseignement. L’habillement et tout ce qui constitue une vie épanouie pour beaucoup de personnes comme des villas, des véhicules lui importent peu.
Et à son ancien collègue et ancien camarade de lycée Professeur Denis Amoussou-Yéyé de dire : « Comment le professeur titulaire, émérite, donc à près d’un million de francs CFA par mois n’a pas daigné s’acheter une voiture et engager un chauffeur et circule tout le temps à zém (conducteur de taxi moto) avec la forte probabilité de se faire renverser par un conducteur imprudent ! » Il poursuit en affirmant « Tu ne bois pas, n’aimes pas faire bonne chère, néglige ta garde-robe ». Et oui ! Comme quoi les plus belles choses de ce monde ne se trouvent pas dans le matériel mais la plus belle chose de ce monde c’est d’avoir plutôt bon cœur. Et c’est tout AFI. Son épanouissement, AFI le trouve dans la satisfaction des autres. Rien qu’à attendre que son enseignement a apporté un changement de mentalité ou a fait naître une curiosité auprès de telle ou telle personne est une grosse satisfaction pour l’homme. Il a passé toute sa vie à enseigner ce qu’il pense être un élément fondamental et incontournable de notre existence, l’histoire.
L’histoire, cette science humaine qui étudie le passé de l’humanité, son évolution, sa connaissance des faits que rapportent les historiens est la chasse gardée de l’ancien étudiant de Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il se définit par l’histoire, autrement dit c’est l’histoire qui le définit. Comme on l’aurait dit d’un Nelson Mandela qui est la personnalité la plus célèbre du XXème siècle, on dira de Félix Iroko qu’il est l’historien béninois le plus célèbre du siècle dernier (XXème) au début de ce siècle (XXIème). Parler d’un homme comme AFI, c’est aussi parler de ses œuvres.
Rien n’a de secret pour lui
L’histoire des peuples africains et l’histoire tout court n’a pas de secret pour le désormais ancien professeur au département d’histoire et d’archéologie de l’Université d’Abomey-Calavi. Originaire de Kétou, ville du sud-est du Bénin, proche de la frontière du Nigeria et d’ethnie Nagot, AFI est le prototype parfait de la conviction, de la certitude et de la précision dans les propos. Quand il évoque par exemple le sujet lié à la traite négrière, il ne dédouane personne. Pour lui, les blancs tout comme les noirs sont acteurs de la traite négrière. Sa publication intitulée : « La côte des esclaves et la traite atlantique : les faits et le jugement de l’histoire » en dit davantage. « Les cauris en Afrique Occidentale du dixième au vingtième siècle », « l’Homme et les termitières en Afrique » sont les quelques œuvres dans lesquelles le professeur Iroko a véhiculé ses pensées.
Les affirmations du professeur sur certains faits marquants de l’histoire du Bénin et d’Afrique font sa particularité. Par exemple dans l’ouvrage coécrit par Arthur Vido, Paul Akogni et Romaric Adjovi, « Abiola Félix Iroko : Itinéraire d’un chercheur africain hors pair, Iroko démontre dans l’article : « Qui est donc au juste le premier roi du Danhomé ? », que « c’est Danko-Donu qui fut le premier roi de cette entité avant la grande expansion impérialiste des XVIIè et XIXè siècles. » Ce qui n’est pas la version populaire. Fidèle à sa méthode de travail, il va encore surprendre plus d’un à travers son article « Pour une révision de la généalogie des rois du Danhomé ». Dans cet article, il expose la liste des souverains fon avant la conquête française. Et Agoli-Agbo n’y figure pas. Il affirme que ce dernier n’a pas régné sur un Danhomé indépendant et souverain. Ce qui une fois encore n’est pas la version populaire servie. Au vu de tout ceci, on est tenté de dire que le professeur Iroko loin de balayer du revers de la main les affirmations de ses collègues, apporte plutôt un point de vue sur certains faits historiques qui méritent d’être réétudiés.
De son vivant, il est un livre d’histoire et il sera toujours ce livre d’histoire à consulter même dans l’au-delà. Comme ce citoyen l’a proposé : « Décrété le 13 novembre comme journée nationale de l’histoire ou journée nationale Abiola Félix Iroko sera le plus bel hommage qu’on lui aura rendu. » Ad vitam aeternam professeur !