En ce seul mois de novembre, le président français s’est réservé deux grandes sorties médiatiques. Macron profitant de la transition américaine se positionne en leader conquérant dans un monde où tout semble arrêté par l’incertitude que crée Trump. Le chef de l’État français a dû étaler ses lacunes sur l’appréciation des vraies révolutions en cours sur le continent, il ne pouvait en être autrement.
La première sortie du président français sur Le Grand Continent et le deuxième sur Jeune Afrique ont eu le même ton. Macron est agacé des changements de cartes diplomatiques en Afrique. Il n’en pouvait plus, il fallait qu’il remette l’Afrique à sa place. Le continent ne peut pas comprendre les choses. Il lui faut, lui président du pays des lumières, pour l’éclairer, dans cette Afrique de 2020. L’exercice est délicat et tout naturellement, Emmanuel Macron s’est trompé sur plusieurs aspects des changements mentaux, sociaux en cours et qui libèrent les paroles. Le locataire de l’Élysée est innocent et reflète une vision si naïve aux effets indécents, puérils et donc inopérants au contraire aux revers qui risquent encore d’accélérer les transformations idéologiques effrénées que mènent des mouvances d’une jeunesse qu’il ne faut pas se hasarder à mettre dans un même panier.
Le désamour français en Afrique, le hors sujet de Macron
La jeunesse est aujourd’hui aux aguets. Avec les moyens qui lui sont accessibles, elle s’exprime, juge et condamne. C’est un processus de libération de la parole rendu possible grâce aux réseaux sociaux. Le printemps arabe est né en Afrique grâce à ces mêmes plateformes, la France ne s’en est pas mordu les doigts. Les réseaux sociaux ont renversé ou aidé à renverser Blaise Compaoré. Au Mali, on l’a vu, la nouvelle tendance expressive fait bouger les lignes et ça, la France devrait voir les choses autrement. Car si toutes ces dictatures y compris celle du guide libyen Mouammar Kadhafi ont pu être déchues, c’est qu’un vent de fin de silence s’est installé. Ce vent de fin de silence ne pouvait la boucler face aux amalgames, aux entorses et aux abus intolérables de la Françafrique.
Et justement, en termes de mauvaises postures, l’Élysée s’est faite maîtresse ces derniers temps. Quand Blaise Compaoré tombait, elle était là pour offrir le service après-vente. Quand les jeunes Tunisiens terrassaient Ben Ali, Sarkozy avait fini de lui offrir une assistance policière pour mater les indélicats. Plus proche de nous, quand Ouattara consommait son 3e mandat en Côte d’Ivoire, Macron avait fini de lui offrir un dîner spectaculaire. Et le même Macron sera l’un des premiers à féliciter Ouattara pour sa réélection. Tous ces écarts, la jeunesse les suit, les commente, les juge et les condamne.
La Russie et la Turquie partout et à tort
Les complicités françaises d’avec les rejetons de régimes dépassés et infructueux, la jeunesse les voit. Et ce vent de raillerie et de colère contre la France n’est pas exceptionnel ni exclusif. Les temps ont changé en Afrique et le silence est mort depuis bien longtemps. L’Élysée se réveille aujourd’hui dans le constat de la rupture du silence parce que c’est seulement aujourd’hui, que grâce aux réseaux sociaux, les contestataires peuvent être entendus. Sans les réseaux sociaux, oui c’est sûr que Nathalie Yamb ne serait pas reçue sur la RTI et que Kemi Seba non plus ne peut accéder à l’ORTB. Les temps changent et les vents avec.
Mais ces changements n’ont pas forcément besoin de la Russie, encore moins de la Turquie. Réduire la nouvelle lecture du monde chez la jeunesse africaine à ces deux pesanteurs que sont ces pays est une vue erronée et tronquée. C’est une insulte à l’imagination, l’intelligence de la jeunesse africaine. C’est heureusement révélateur d’un retard stratégique qui au terme, risque d’être fatal à la Françafrique.
S’il faut admettre que Kemi Séba et certains de ses compères ont forcément besoin de soutien pour prospérer dans leurs mouvements, il est nécessaire de savoir que l’écho de la contestation dépasse leur seule sphère. La contestation est nourrie par les tripatouillages humiliants qu’orchestrent les multinationales françaises aux côtés des régimes vieillissants du continent. Contestation aussi nourrie par la réalité implacable qui fait des anciennes colonies françaises les mauvais élèves en démocratie, en développement. Contestation nourrie par un mal-être généralisé. Une absence de perspective qui marque le quotidien des anciennes colonies françaises. Le tout est couronné par de sulfureux contrats que, de force, les pays sont obligés de signer avec les multinationales françaises dans l’exploitation de l’uranium, du pétrole et autres matières vitales à l’économie française. Ce vent n’est pas du fait d’une manipulation russe ou turque. Et chaque sortie en signe de déni ne fera que renforcer la perception d’une jeunesse qui a soif de transparence. C’est vrai que Macron parle de transparence, mais celle qui vaut, la seule transparence qui calmerait une jeunesse désormais libre de paroles est celle de la publication par moment de ces contrats ruineux.