Dans la désillusion, que la sélection nationale a essuyé au terme des éliminatoires de la prochaine Coupe d’Afrique des Nations, une partie de l’opinion publique suivie de quelques avertis, à travers des critiques, s’en sont pris à Michel Dussuyer. De ses choix tactiques, à ses priorités en faveur des joueurs expatriés, les débats sont allés dans tous les sens. Une élimination à la porte de Cameroun 2021 pas encore digérée, dont le diagnostic est aussi mal posé. Difficile de faire de bilan sans passer à la comparaison.
Avec Michel Dussuyer, les Écureuils du Bénin ont tutoyé le sommet. L’équipe du Bénin a été la sensation de la dernière Coupe d’Afrique des Nations (Can Égypte 2019). Mais la récente campagne des éliminatoires, a fait écrouler les rêves et ramener l’équipe béninoise dans ses méandres. De quoi redonner de la verve à ceux qui, dès le début doutaient des choix du sélectionneur national. Il est reproché à Dussuyer, un amour trop poussé pour les expatriés, un attachement, que payent les locaux par leur absence en nombre important dans les listes du sélectionneur. Mieux, il lui est reproché de ne pas donner la chance à certains, qu’il convoque de s’exprimer. Une accusation bien fondée même si en réalité, elle n’est pas imputable qu’au technicien Français.
Tels employeurs, tel employé
Les employeurs du sélectionneur national, semblent aussi tous tournés vers l’étranger. A plusieurs occasions, il est facile de voir le manque criard d’attention des dirigeants, à divers niveaux, envers les équipes locales. A chaque regroupement, ces locaux sont orphelins de l’engouement de ces deux institutions. La Fédération béninoise de football (FBF) et le gouvernement à travers le ministère des sports, brillent par leur absence derrière les jeunes, qui manquent même du minimum. Étonnant à l’ère dite de la rupture. Et personne n’oubliera qu’à l’avant dernier regroupement des A’ (équipe senior locale) avec Moussa Latoundji, les jeunes avaient pris le sélectionneur en otage pour avoir passé des jours sans avoir empoché le moindre kopek avec en prime, des matchs (fussent-ils amicaux) disputés. Une revendication, qui a déclenché l’ire de quelques responsables, qui trouvaient, que les jeunes sont allés trop loin. Selon eux, l’honneur d’être convoqué en équipe nationale pour défendre les couleurs du pays, devrait passer avant l’aspect pécuniaire, source de revendications. Mais ces patrons du football béninois ont manqué de voir, que parmi eux (les joueurs), il y en a, qui ont déjà eu la chance de goûter à des convocations avec l’équipe fanion, et savent comment ça se passe lors des regroupements. Ce qui révèle un parfait contraste.
Toujours dans le registre du désintérêt des dirigeants envers le football local, nous pouvons rappeler dans quelles conditions, en décembre 2020, l’équipe junior (U-20) avait préparé et joué le tournoi Ufoa B. L’opinion publique avait vu et decrié en son temps, le port des maillots avec des dossards bigarrés faits au sparadrap, pour le premier match face au Niger perdu 0-1. Cette équipe, depuis sa mise au vert jusqu’à la veille de la compétition, était restée sans attention. Un désintérêt que corroborent les dires d’un haut responsable du mouvement sportif béninois, qui, à une autre réunion d’avant compétition Ufoa B U-20 et U-17, déclarait clairement, que les équipes de catégorie d’âge ne sont pas la priorité. Promettant à la clé des défaites lourdes aux équipes junior (U-20) et cadette (U-17). Lesquelles sélections ont, sans aucune surprise, payé le prix du mépris, de l’abandon, du désamour et du désintérêt au championnat local par les dirigeants lors de ces compétitions zonales. On se souvient encore de l’élimination en poule des U-20 et des raclées reçues en terre togolaise par la sélection cadette. Une bérézina qui avait irrité Mathurin De Chacus (Président FBF). Chose qu’il a fait savoir aussi bien au Staff technique et médical qu’aux gamins et ceci dans un coktail de mots amers. Exactement ce qu’il fallait pour détruire le peu de moral restant à un groupe de bambins qui découvraient pour la première fois une grande compétition. Et à cet âge, seules les larmes sont les premiers recours. En effet, ça n’a pas manqué. Ce fut le prix à payer.
A contrario
Un coup de regard dans le rétroviseur, nous rappelle que, sous Anjorin Moucharafou (ancien Président FBF), l’intérêt pour les joueurs locaux s’est fait palpable. Avec Oumar Tchomogo comme sélectionneur, ces dirigeants avaient osé en son temps. Sans championnat et sous la pluie de critiques acerbes, le staff a pu mettre sur pied, une équipe locale avec des joueurs révélés dont entre autres, Charbel Gomez, Rodrigue Kossi, Rodrigue Fassinou, Mama Séibou, Jules Élegbédé, Waris Aboki, Gaston Houngbédji, Mama Ba Yèrè, Nabil Yarou, Marcellin Koukpo, Steve Glodjinon, Ulrich Dah Achéffon, Ouorou Djalilou, etc. Des joueurs, qu’aujourd’hui encore, Michel Dussuyer convoquent parfois.
Passé ce temps où une attention était accordée aux locaux, vint l’ère de vache maigre, pour les locaux et le football local. La sélection fanion retient toutes les attentions de la République. Quand elle se regroupe, tout le monde court dans tous les sens. De la FBF (qui se vide), au ministère des sports, ça grouille. Pas de temps. Les enfants gâtés et la prunelle des yeux des dirigeants du football viennent en héros et l’erreur n’est pas permise. L’accueil a toujours été de taille. L’équipe senior n’a jamais manqué de sparadrap. Elle n’a jamais eu un problème de maillot en pleine compétition. Des maux dont souffrent toutefois les équipes locales et celles de catégories d’âge. Tous travaux cessant, le ministre Oswald Homeky, lui-même coordonne tout dans les moindres détails. Même pour des matches amicaux, tout se gère sous sa houlette avec minutie. Mathurin de Chacus, ne lésine pas sur les moyens quand il le faut. Dans son agenda, les échéances de l’équipe nationale sénior sont mentionnées en gras. Par contre, c’est sans risque de se tromper, qu’on peut même dire, qu’il n’a assisté à aucun match du championnat national qui a connu le sacre de ESAE FC.
Alors…
Face à cette gestion des responsables du football béninois, critiquer Michel Dussuyer (qui ne fait que copier ce qu’il voit), est injuste.Tel on fait son lit on se couche dit-on. On ne se tromperait même pas en disant, que Michel Dussuyer, ne fait que respecter la feuille de route, qui lui est tracée par ses employeurs. Et lui faire porter seul la responsabilité d’un échec national (comme la dernière élimination face à la Sierra Leone), c’est refuser d’assumer, que le Bénin souffre du manque d’une politique de développement de son football.
Le balbutiement, la navigation à vue, l’amour pour les générations spontanées, la non préparation de la relève, sont autant de choses, qui continueront de faire obstacle au rêve de tout Béninois, qui est de voir le Bénin à de grands rendez-vous.