Que ce soit au plan politique ou administratif, le nouveau projet de loi de réformes de la décentralisation suscite déjà de grandes polémiques avant même son examen.
C’est le point qui chope. La création d’un poste de Secrétaire exécutif communal (SEC), au niveau des mairies en remplacement du Secrétariat général suscite de grandes polémiques. Les attributions de ce cadre technique nommé aux côtés des maires désormais dépossédés de leur mission d’ordonnateur de budget fait monter l’adrénaline. C’est le maire de la commune Kpomassè, Kenam Mensah, qui se fera le devoir de crever l’abcès lors de la rencontre d’imprégnation tenue, au palais des congrès (21.09.2021) avec Patrice Talon. Le plaidoyer du maire de Kpomassè, à l’endroit du chef de l’État pour maintenir l’ancienne donne se heurte à une fin de non recevoir, même si, le président de la République reconnaît la pertinence de la préoccupation soulevée. Les arguments de ce dernier, tiennent lieu de la nécessité de sauter les barrières politiques. Le débat sur le détenteur du budget crée ainsi des antagonismes. Des regards, à la fois acquiesçant et grincheux. Il fallait rétablir l’harmonie.
Le président de la République entame la pédagogie et rend les administrés détenteurs du budget des communes. Était-ce la réponse appropriée à la préoccupation ? Cela n’est-il pas connu de tous ? D’un côté, le consentement, de l’autre, l’amertume et la consternation. Et pourtant, tous (propos du chef de l’État) avait applaudi le maire Kenam dont le courage et la bravoure ont permis de comprendre les dessous d’une réforme, qui va bouleverser le fonctionnement des communes et donc éventuellement source de grands conflits. Plus loin dans ses explications, le locataire de la Marina prend son propre exemple pour justifier cette réforme toujours dans l’embryon mais « impérieuse » . Il soutient qu’en matière de gestion budgétaire, le ministre de l’économie et des finances est son « chef ». Dès lors, il perd tout pouvoir de décision, même discrétionnaire. Son autorité peut-être donc bafouée.
Si le budget n’appartient pas aux maires, comme l’a répliqué le président Patrice Talon, au nom de quoi il devrait appartenir à un Secrétaire exécutif, qui n’était pas associé au début, à la politique de développement local définie et enclenchée par les maires élus ? Les nouvelles dispositions ont-elles prévu que le secrétaire exécutif doit être élu, au même titre que le maire, sur la même liste ou non ? L’élection du président de la République et du maire ne se fait pas selon les mêmes dispositions. À ce titre, l’argument du maire de Kpomassè tient certainement, lorsqu’il évoque les conséquences fâcheuses de cette nouvelle législation en cours.
La réflexion devrait être poussée plus loin. « Le chef de l’État n’est pas l’ordonnateur du budget“, pourtant c’est lui qui a présenté un projet de société sur la base duquel, il a été élu. Le ministre de l’économie et des finances n’est qu’un simple collaborateur associé à la gestion du pouvoir d’État et logiquement n’a donc pas une grande légitimité en matière de patrimoine d’État. Dans le cas où le SE de la mairie, pour une raison ou une autre, décide de s’évaporer dans la nature avec les ressources du contribuable, à qui devrait-on demander des comptes ? Autre chose, s’il n’est pas du même bord politique que le maire, n’y aura t-il pas des divergences ?
Ces conflits sont encore plus visibles quand on parcourt un peu les prérogatives du SE, et les contours de cette nouvelle loi. Le conseil communal ou municipal n’est plus le seul organe délibérant puisqu’un conseil de supervision est érigé à ses côtés (composé du maire, des adjoints et des présidents des commissions permanentes). Plus loin, c’est ce conseil de supervision qui adoptera notamment le budget de la commune qu’il fera ensuite valider par le conseil communal. Un secrétaire exécutif (SE), nommé par le pouvoir central pour 6 ans (trié dans un fichier national de cadres ayant ce profil, ndlr), trônera au dessus du maire, le projet de réforme prévoyant même qu’il est le premier responsable de l’administration de la commune dont il organise le fonctionnement et la gestion des ressources humaines, financières et matérielles ; il représente même la commune dans la vie civile. Ce secrétaire exécutif ne peut recevoir aucune instruction du maire dans le cadre de ses fonctions propres. À cet effet, la légitimité ou l’existence légal du maire ne tient qu’à son titre.
Salutaire réforme, dit l’expert…
Ces subtilités et points d’achoppement constituent selon Franck Kinninvo, Expert en décentralisation, des avancées saluées par sa personne.
À en croire ses propos, « le gouvernement a fait une réforme de fond du système de décentralisation ». Justifiant sa position, il explique que la création d’un organe exécutif (en remplacement de l’ancien que constitue le Maire et ses adjoints), la séparation des fonctions politiques des fonctions techniques, est visible. Arguant toujours dans le même ordre d’idées, il y avait une forte politisation de l’administration locale, ce qui ralentissait le développement local selon l’expert. Avec la réforme, la gestion budgétaire de la commune relève désormais du Secrétaire exécutif. « Il faut saluer cette démarche du gouvernement. », a laissé entendre Franck Kinninvo, qui nous rappelle les désormais trois catégories de communes qu’on aura à savoir : les communes à statut particulier, les communes à statut intermédiaire, et les communes de droit commun.