A moins de quatre mois du scrutin présidentiel, l’ancien président de la République a commencé à se lancer dans des sorties médiatiques. Au point d’oublier l’essentiel.
Boni Yayi doit être hanté, à quelques mois de l’élection d’avril 2021, par la victoire de Patrice Talon lors de la dernière élection présidentielle de mars 2016. Pour lui, l’échec aura été cuisant de voir son allié d’hier devenu adversaire remporter le graal. Un échec d’autant plus retentissant que Patrice Talon a remporté le scrutin présidentiel face à Lionel Zinsou, le dauphin de Boni Yayi. Le Franco-béninois a été soutenu par une coalition politique formée du PRD d’Adrien Houngbédji, la RB d’alors de Léhady Soglo et les anciennes FCBE de Boni Yayi. Pour autant, Patrice Talon l’emporte par 65% des voix, un plébiscite malgré les moyens de l’Etat sur lesquels pouvait compter Lionel Zinsou. Tous les partisans ne s’en sont pas encore remis depuis près de cinq ans et ne diraient pas non à un retour, impossible constitutionnellement, de Boni Yayi au pouvoir.
Les Démocrates se cherchent encore
Pourtant cinq ans après, le désormais ancien président pourrait commettre la même erreur, peut-être moins retentissante. A son corps défendant, on dira qu’il n’est plus au pouvoir. Hanté par mars 2016, l’ancien président de la République doit certainement se demander comment résoudre la question de la candidature au sein du parti Les Démocrates. Président d’honneur de ce parti qui a obtenu son récépissé définitif mercredi (23.12) et donc sa reconnaissance légale, Boni Yayi sait que sa voix compte. Pour le parti aussi, l’aura de l’ancien patron de la BOAD est importante. Il n’y a qu’à voir la foule que Boni Yayi draine lors de ses sorties. Pourtant, Boni Yayi va devoir décider du nom du porte-étendard de Les Démocrates pour la présidentielle. Au risque de créer, comme en 2016, des mécontents à l’instar du professeur François Abiola qui espérait en vain un adoubement de celui qu’il a servi en tant que ministre pendant plusieurs années.
Qui choisir pour battre Patrice Talon à plate couture ? Quel est le meilleur candidat du parti Les Démocrates à même de battre le président sortant ? Qui pour remettre le régime de la « continuité » en selle après cinq ans de « rupture » de Patrice Talon ? Qui pour continuer à assurer l’héritage politique de Boni Yayi ? Autant de questions qui se résument en revanche à un seul calcul pour Boni Yayi, l’économiste : faire partir Patrice Talon, loin du palais, avec ou sans la bible que lui, Boni Yayi a remise à son « frère en christ » Patrice Talon.
En attendant de résoudre cette équation, Boni Yayi joue les prolongations, en passant par exemple par des pérégrinations, comme celle à Parakou dimanche (20.12). L’ancien président déclare dans cette ville visitée un mois plus tôt par Patrice Talon qu’il aurait été privé d’eau et de visites pendant 52 jours en 2019. Il ajoute que Patrice Talon défendrait ses intérêts personnels alors que lui, Boni Yayi défendrait l’intérêt général. Stratégie pour mieux asseoir l’opposition entre Les Démocrates et la rupture ou une affirmation de plus des accusations de l’opposition à l’endroit de Patrice Talon qui ne penserait pas au bien-être des populations ? L’objectif de ces stratégies reste à définir.
Dialogue de sourds
Autre stratégie à définir, c’est celle proposée par Boni Yayi lors d’une sortie médiatique mercredi (16.12). L’ancien président appelle à « réunir toutes les bonnes volontés, quelles que soient leurs origines politique, idéologique ou ethnique pour donner un nouvel élan à notre destin national dans l’union sacrée de cette nation ». Ce dialogue national, espère Boni Yayi, doit se tenir « en présence de nos chers frères, de nos chères sœurs qui sont à l’étranger, en exil forcé, de nos frères et sœurs, de nos enfants et autres en prison » avant l’élection du 11 avril.
Depuis cette déclaration de Boni Yayi, son successeur Patrice Talon n’a pas réagi à cette demande d’un dialogue national. Une réponse peut être trouvée dans la posture du gouvernement il y a un peu plus d’un an. En 2019, avant la tenue du dialogue politique initié en octobre par le gouvernement, l’opposition avait souhaité des assises nationales. Le ministre, porte-parole du gouvernement, maître Alain Orounla, avait déclaré avant ce dialogue que le contexte ayant conduit à la conférence nationale des forces vives de la nation de février 1990 ne se prêtait plus 29 ans après. 30 ans après cette conférence, le contexte pourrait ne pas bien se prêter de nouveau.
De même, les oppositions en Afrique qui proposent ces dialogues quelques mois avant la présidentielle ne parviennent pas à avoir gain de cause. L’exemple récent est la Côte d’Ivoire où l’opposition a vainement réclamé un dialogue. Au Bénin, Boni Yayi pourrait se targuer d’avoir au moins fait la proposition d’un dialogue. Etant à rappeler aussi que sous son mandat l’opposition a buté sur son refus d’organiser des échanges similaires.
Boni Yayi pourrait bien essuyer aussi un échec avec son parti sur la question du parrainage. Les Démocrates exigent l’annulation de cette disposition des lois électorales. Le gouvernement, dont son chef Patrice Talon, a déjà démontré qu’il ne ferait pas marche arrière. Non sans garantir que l’opposition aura des parrainages pour participer au scrutin d’avril prochain. Le parti Les Démocrates espère du coup que les dernières décisions de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP) feront plier le gouvernement. La CADHP a demandé l’abrogation de la révision de la Constitution intervenue entre le 31 octobre et le 1er novembre 2019. Il n’est pas sûr que Porto-Novo y réponde favorablement alors qu’à moins de quatre mois du scrutin présidentiel, Patrice Talon, s’il est candidat, pourrait encore infliger un autre échec à celui qu’il a aidé à s’installer au pouvoir en 2006 et en 2011.