Alors que Reckya Madougou séjourne depuis quelques jours à la prison civile d’Akpro-Missereté, l’opposition semble encore sous le choc et accuse le coup.
La politique est une compétition. La conquête du pouvoir, une vraie bataille parsemée d’embûches. L’opposition béninoise ne le sait que trop bien. Alors qu’elle vient de perdre des plumes dans l’arrestation de Reckya Madougou, l’opposition à Patrice Talon est dans l’expectative, sinon dans l’attentisme. Et le pouvoir en place, sans peut-être le vouloir, est parvenu à reléguer au second plan les critiques formulées par l’opposition d’un scrutin présidentiel non inclusif, limité à trois candidats.
Vendredi (05.03.21), la candidate recalée au scrutin présidentiel du parti Les Démocrates a été placée sous mandat de dépôt. En attendant son procès à la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme à Porto-Novo. Un premier gros client pour le procureur spécial Mario Mètonou installé dans ses fonctions début février. Dans une sortie médiatique jeudi (04.03.21), un mois jour pour jour après son installation, il a annoncé les couleurs du procès de Reckya Madougou : elle aurait financé la tentative de meurtre de deux personnalités politiques de Parakou. Le but saboter le processus électoral en cours.
« Je ne te lâcherai pas ». Reckya Madougou est de l’opposition et c’est en premier à l’opposition d’agir. Mais comment ? Certes l’opposition est divisée. Mais celle radicale à Patrice Talon doit être en première ligne pour organiser la défense de Reckya Madougou. Qui mieux que Joël Aïvo pour mener le lead !!! Après l’interpellation de Reckya Madougou, le candidat recalé du front pour la restauration de la démocratie (FRD) a fait savoir sur les réseaux qu’il ne lâchera pas Reckya Madougou. Le constitutionnaliste doit jouer les premiers rôles pour faire en sorte que le procès se tienne vite afin que l’opinion publique soit située. S’allier à l’opposition modérée incarnée par la FCBE ne serait pas un handicap. Le candidat de la FCBE, Alassane Soumanou, a déjà appelé à faire la lumière sur ce dossier.
Organiser le lobby. Il faudra continuer de parler du cas Reckya Madougou avant le procès. Pour l’instant, on ignore tout de la date de la tenue de ce procès. Politiquement, la tenue de ce procès avant le scrutin présidentiel est un couteau à double tranchant pour le candidat de la mouvance. Un procès est toujours une tribune pour l’accusé. Ajouté à cela que Reckya Madougou est plutôt une bonne oratrice et le pouvoir pourrait peser pour que le procès se tienne un peu après le 11 avril, le jour du scrutin. Du coup, pour l’opposition, il va falloir continuer par imposer le sujet Madougou dans l’opinion publique internationale.
La bataille de l’opinion publique. Si la communauté internationale doit avoir un regard sur l’affaire Madougou, l’opinion publique nationale pourrait avoir vite fait de passer à autre chose, alors que le scrutin approche. Surtout, les Béninois pourraient vite se lasser si le procès se tient un peu plus tard. Plus un sujet n’est plus évoqué dans l’actualité, plus les populations ont tendance à l’oublier. Cependant, mobiliser les gens dans les rues avec le risque de non-respect des gestes barrières pourrait être un problème pour les organisateurs d’une marche. Ils courent le risque d’être arrêtés si la marche est interdite. Pour l’opposition, il n’est pas question encore de perdre ses membres influents. La mobilisation peut-elle être alors la solution ? Depuis l’interpellation de Reckya Madougou, l’opposition ne cesse à travers les réseaux sociaux de dénoncer un dossier vide.
Insurrection. Si elle ne se contente plus des réseaux sociaux et qu’elle veut, contre vents et marées, manifester dans les rues, l’opposition court le risque d’être accusée de ne pas faire confiance en la justice. Alors qu’un dossier est en instruction. D’autant que si elle dénonce une présumée cabale, l’opposition ne maîtrise pas forcément les contours de cette tentative de meurtre. Même si sur BBC Afrique, Joël Aïvo ne croyait pas Reckya Madougou capable de commettre une telle action, il a toutefois fait comprendre qu’il fait confiance en la justice, lui le juriste. Insister dans l’organisation de marches non autorisées pourrait amener les caciques et soutiens du régime à crier à l’insurrection. Et même si on parvient à un chaos, Patrice Talon jouera forcément un rôle dans une éventuelle transition. A défaut de lui ses soutiens joueront un rôle. A moins qu’on ne soit dans le scénario du Burkina Faso où l’ancien parti au pouvoir, le CDP de Blaise Compaoré, a été privé de participer au scrutin présidentiel qui a suivi l’insurrection d’octobre 2014.
Election. L’opposition pourrait aussi saisir la tenue du scrutin pour pousser les pions en sa faveur. Patrice Talon semble avoir un boulevard devant lui pour sa réélection. Il pourrait ainsi conduire ses réformes, au grand dam de l’opposition. En 2023, il préférerait avoir un Parlement qui lui est favorable pour bien terminer son éventuel second mandat. Pour l’opposition, le scrutin présidentiel de 2026 et, plus près de nous, les législatives de 2023 se préparent maintenant. En se rangeant derrière les candidatures de la FCBE ou des dissidents du part Les Démocrates, l’opposition a une chance de faire partir Patrice Talon le 11 avril. Elle peut conditionner son soutien à ces deux duos accusés à tort ou à raison d’être proches du pouvoir. De même, le candidat de la FCBE a indiqué sa volonté de s’engager pour le retour des Béninois de l’extérieur s’il parvenait au pouvoir. L’opposition radicale gagnerait à arrêter de diaboliser la FCBE et le duo dissident du parti Les Démocrates en lice pour le scrutin présidentiel, en les traitant de candidatures choisies par Patrice Talon. La photocopie a toujours été différente de l’original. La gestion Soumanou ou Kohoué ne sera pas la même que celle de Talon.