Ce Dimanche (24.01.2021) encore, la nation s’est arrêtée pour vivre une joute verbale politique. Par médias interposés, des politiques dans la peau de spécialistes se sont affrontés à distance. Et il est à retenir que l’opposition ne veut pas affronter Patrice Talon.
Dans le duel Aïvo – Topanou de ce dimanche, la Constitution a dominé les débats. L’exception, la rétroactivité, les 45 jours, comme si les deux universitaires étaient sur le même plateau, les téléspectateurs devant leurs écrans où via les réseaux sociaux ont été servis. Et le cours sur la Constitution avait de quoi gaver les Béninois, tant chacun des spécialistes avait mine d’être convaincu de sa lecture.
À ce jeu, la mouvance qui peut se réjouir de la posture de Topanou marque des points. C’est son terrain favori : faire perdre du temps aux opposants et chaque fois, celle-ci se laisse prendre au piège. Mais que cela vienne d’un candidat potentiel, Joël Aïvo, il y a de quoi s’interroger.
Aïvo : de l’itinérance à la soliloquie
Joël Aïvo qui, à plusieurs égards peut être un des sérieux candidats de l’opposition, avait soif d’en découdre avec la mouvance. Il a tant rêvé de ce face à face qu’il a réclamé à cor et à cri avec Patrice Talon, qu’il a fini par accepter une soliloquie. Les 45 jours de bonus du chef de l’État pour ce qu’est devenu un débat en retard, un an après, sur les conséquences de la modification partielle de la Constitution du 11 décembre 1990, les Béninois n’en ont pas grand-chose à cirer. Un candidat potentiel de la trempe de celui qui se dit « prêt pour la fonction » devrait le savoir.
Le maïs connaît une flambée de coût. Dans une nation où la sécurité alimentaire n’est plus une préoccupation directement administrée par l’État, Joël Aïvo aurait marqué des coups, des points à en faire cas. Il a fait le tour du Bénin. Il a dialogué de façon itinérante avec les peuples. Ce débat était l’occasion de lever un pan sur un peuple qui a des raisons d’en avoir marre d’une classe cotonoise, hyper politiquement engluée dans la Constitution, sa seule Bible, son seul Coran, sa seule source intarissable d’incantations. Une chance ratée pour Aïvo de se délivrer de cette emprise constitutionnelle, ce soupçon raisonnable que l’on peut avoir de croire qu’il ne pense qu’à ça : régler tous les maux de la République en rendant droites les lignes de la loi fondamentale.
Manque d’alternative crédible
La Covid-19 a vidé les populations de l’essentiel. Face à ses affres et ses conséquences, les Béninois sont seuls. Alors que tous les prix rythment avec la pandémie, du transport aux produits de première nécessité, le gouvernement a semblé en retrait. Pour un opposant, « un candidat prêt pour le job », imaginer une alternative à l’approche du président Talon aurait été plus audible. L’économie des chiffres et de levée spectaculaire de fonds a bien sûr ses adeptes comme Lionel Zinsou mais les populations ne la comprennent pas. Proposer aux Béninois une lecture vers une alternative, un virage plus à gauche aurait été plus attendu.
À ce stade où la mouvance et son chef brillent par leur homogénéité, laisser transparaître une carapace de commandant en chef possible de l’opposition, aurait pu être plus réconfortant pour ces Béninois qui veulent du nouveau. Les Béninois voudraient espérer un chef de file potentiel dépoussiéré de l’influence accaparante et possessive de Boni Yayi. Mais pour eux, il faudra encore attendre.
En vérité, l’opposition dans son ensemble n’a pas envie de se faire son chemin. Elle aime les débats reliques, les répliques face à un régime taloniste cynique dans l’art de maîtriser son agenda. L’opposition n’est pas prête. Elle fait semblant de vouloir la confrontation mais elle n’en a pas les moyens et se cache derrières des détails. Détails à elle jetés comme des os par une mouvance aux tentacules, qui vont des partis politiques nombreux aux universitaires innombrables et ondoyants. Ces détails politiquement fatals, l’opposition qui accumule les fronts de défense s’en sert pour cacher sa sidération de la démarche Talon. Elle s’y accroche pour camoufler une peur d’une compétition perdue avant d’avoir été annoncée.