Le président Alassane Ouattara s’est dit « favorable à un dialogue sincère et inclusif avec l’opposition ». Une déclaration faite lors de sa première sortie lundi 9 novembre 2020 après la confirmation, par le Conseil constitutionnel, de sa réélection pour un troisième mandat.
La main tendue d’Alassane Ouattara à l’ex-président Henri Konan Bédié intervient alors que ce dernier est bloqué à son domicile par les forces de l’ordre. Le porte-parole du Conseil National de Transition Pascal Affi N’Guessan et plusieurs autres leaders sont aux arrêts ou en fuite. Il est difficile de savoir comment dans ces conditions l’opposition va répondre à l’appel du président réélu.
Ces derniers jours, le pays a enregistré encore une dizaine de morts. Depuis août dernier, une cinquantaine de personnes ont été tuées. Huit mille Ivoiriens ont rejoint les pays frontaliers selon le HCR. Comme le redoutaient bon nombre d’observateurs, la Côte d’Ivoire a renoué avec ses cycliques crises électorales. Même si la vie semble reprendre son cours dans un calme précaire, Abidjan a été secoué par des mouvements d’humeur durant tout le processus électoral. Une tension exacerbée au lendemain du scrutin par l’acte posé par l’opposition. Alors que la victoire du président sortant Alassane Ouattara n’avait même pas encore été proclamée, l’opposition qui a boycotté le scrutin, s’est constituée en Conseil National de Transition. Une manière de protester de nouveau contre le 3ème mandat d’Alassane Ouattara qu’elle juge illégal.
Procédure judiciaire contre les opposants
Depuis lors, le ton est encore monté entre les deux camps qui semblent irréconciliables. Et les actes de représailles du pouvoir ne se sont pas fait attendre. Le gouvernement du président réélu qui qualifie cet acte de « sédition », déclenche la traque des principaux leaders du Conseil National de Transition. Après le déploiement d’importants dispositifs sécuritaires à leurs domiciles notamment ceux d’Henri Konan Bédié, président de la transition proclamée et Pascal Affi N’Guessan, porte-parole de cette transition, s’en suit l’ouverture d’une enquête judiciaire. Cette enquête vise les principaux acteurs de l’opposition ayant appelé à la désobéissance civile et participé à la mise en place du CNT. Le procureur d’Abidjan les accuse de « complot contre l’autorité de l’État », mouvement insurrectionnel », assassinat et « actes de terrorisme ». Une enquête judiciaire qui a déjà abouti à l’arrestation du porte parole du CNT, Pascal Affi N’Guessan, dans la nuit du vendredi au samedi 7 novembre 2020. Le président de cette transition, l’ex-président Henri Konan Bédié, n’est pas aux arrêts mais n’est non plus libre de ses mouvements. L’impressionnant dispositif sécuritaire déployé chez lui pour « mettre fin aux troubles à l’ordre public » selon le procureur, limite ses moyens d’action.
L’autoproclamation est un échec
Comme on pouvait s’y attendre, le Conseil National de Transition n’a pas prospéré en Côte d’Ivoire, comme ce fut le cas dans bien d’autres pays où les dirigeants se sont autoproclamés après les élections. L’échec de cette autoproclamation a été constatée au Gabon avec Jean Ping, au Togo avec Agbéyomé Codjo et la Guinée récemment avec Cellou Dalein Diallo.
Cet échec de l’appel de l’opposition ivoirienne s’explique en quelques points. Primo, l’opposition ivoirienne a été isolée sur le plan national. Les ivoiriens ne sont pas prêts à vivre une nouvelle crise électorale. Celle de 2010-2011 a fait environ 3.000 morts. De ce fait, les différentes mobilisations initiées par les leaders politiques de l’opposition n’ont pas rencontré l’assentiment de beaucoup d’Ivoiriens. Et l’échec de l’appel à « l’insurrection » de l’ex-chef rebelle, Guillaume Soro, depuis la France, en est une illustration.
Secundo, le CNT n’a pas bénéficié de l’attention de la communauté internationale. La crise postélectorale ivoirienne a non seulement été engloutie par la présidentielle américaine qui a suscité plus que jamais l’intérêt à travers le monde, mais aussi, par la crise de la pandémie de Covid-19 qui préoccupe les grandes nations occidentales. La communauté internationale a clairement d’ailleurs appelé au respect de « l’ordre constitutionnel » et au dialogue politique. La Cédéao, fragilisée par les résultats de ses précédentes médiations dans certains pays membres, est de moins en moins écoutée.
L’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo avait tôt compris que la solution à cette crise proviendrait d’un dialogue entre Ivoiriens. Au cours d’un entretien téléphonique avec le Premier ministre ivoirien Ahmed Bakayoko, il a proposé d’apaiser la tension en favorisant le dialogue plutôt que la répression. Un appel qui semble avoir été entendu par Alassane Ouattara en tendant la main à ses adversaires politiques. Il est difficile de savoir les conclusions de ce dialogue. Pour peu qu’il a lieu.