Deux semaines après avoir remis au président de la République son rapport, la CBDH a rendu public le document. Un texte loin de la synthèse ventilée trois semaines auparavant.
Le rapport 2019 de la Commission béninoise des droits de l’Homme (CBDH) continue de tenir l’opinion publique en haleine. Le document d’une soixantaine de pages dresse un bilan peu élogieux des droits humains au Bénin en 2019.
La presse proche du pouvoir était élogieuse du bilan de Patrice Talon au lendemain de la remise du rapport au président de la République mardi (06.10.20). Dans le même temps, c’est la CBDH qui était vouée aux gémonies. Et son statut d’institution de la République ne plaide pas toujours en sa faveur même si la CBDH se revendique « indépendante » et non « assujettie à aucune autorité publique », comme la commission le précise dans son premier rapport. L’opinion publique et les médias d’opposition l’ont accusée de tous les noms alors que le rapport n’était pas encore à l’étape de publication à grande échelle. La CBDH n’est pas dans les rédactions des organes de presse et ne peut rien reprocher à un régime qui est passé par des médias pour communiquer et donc mieux vendre le bilan de Talon.
Le Bénin est malade, les Béninois avec
Conséquence, l’opinion publique s’est étonnée après la publication à grande échelle du rapport suite à la présentation du rapport aux députés, mercredi (21.10.20). Cette opinion publique, prompte à juger les faits avant d’avoir tous les éléments d’appréciation, a fini par se rendre compte du travail des 11 membres de la CBDH, en fonction depuis décembre 2018.
Le premier rapport de cette mandature présidée par Isidore Clément Capo-Chichi revient sur la violation des droits humains, notamment lors des dernières législatives de 2019. Le document pointe du doigt la violation du droit à la vie, du droit à la liberté de manifestation et du droit d’accès à l’information (le cas de Soleil FM et de la Nouvelle Tribune). Tout ça c’était connu de tout le monde ou presque.
Mais le rapport de la CBDH a le mérite d’attirer notre attention sur certains aspects. On y lit que le budget alloué à la santé n’atteint pas 10% du budget de l’État, tel que souhaité par l’OMS. Le Bénin ne dispose pas d’un hôpital de référence et fait face à une insuffisance d’infrastructures sanitaires. Le pays fait face aussi à « l’absence d’assurance maladie pour tous les Béninois(es) », indique le rapport. Le document relève un budget consacré à l’éducation insuffisant, inférieur aux 20%, comme l’exige la norme. La CBDH regrette le « vieillissement de certaines infrastructures d’accueil des apprenants », la « déperdition scolaire des filles » et l’inadéquation de la formation au marché de l’emploi. La commission a noté des disparités dans l’offre de l’eau, une situation pas reluisante dans le secteur de l’énergie et une « impraticabilité de certains axes du réseau routier béninois ». L’équipe d’Isidore Clément Capo-Chichi a constaté aussi un taux élevé de sous-emploi, la précarité de l’emploi et des pertes d’emploi massives dans l’administration publique.
La boussole pour les gouvernants
Le rapport de la CBDH a peint quasiment la société béninoise avec ses maux. On y a compris que les viols sur mineurs, l’infanticide rituel et les mutilations génitales féminines continuent. Le document s’est préoccupé aussi de la situation des personnes en situation de handicap (PSH).
La CBDH rend son rapport à six mois du scrutin présidentiel. Le document pourrait servir d’argument de campagne pour les candidats au scrutin présidentiel pour peu qu’ils le lisent. Le rapport permet d’avoir une idée des défis à relever pour le prochain président de la République. C’est un diagnostic sanglant mais froid de tous les maux qui minent le pays.
Au Bénin, presque tout est priorité. Le chef de l’État Patrice Talon a certes fait des efforts, comme le rappelle le rapport de la CBDH. Mais il reste encore de nombreux problèmes à régler. Le président de la République trouvera dans le document des moyens pour conduire le Bénin à bon port. Au-delà de Patrice Talon, son successeur pourrait bien trouver dans le rapport des informations utiles pour un avenir meilleur pour les Béninois. On ne reprochera pas à la CBDH de n’avoir pas fait son diagnostic, même si elle reconnaît dans le document que « Ce travail n’est pas parfait ».