Alors même que Patrice Talon traverse monts et vallées pour s’expliquer, demander pardon et promettre mieux faire pour le reste de son mandat, son ministre trotte, agit et parle. Salimane nous ramène à l’esprit des souvenirs auxquels on a cru avoir tourné dos.
Dans l’agenda de Patrice Talon, 5 jours (12 au 17 novembre) ont été consacrés au septentrion. Dans une tournée inédite, on a vu un Patrice Talon dans un discours en harmonie avec tout le bien qu’on lui soupçonne. Humilité, confessions, demande de pardon et l’envie de se réconcilier avec Boni Yayi, le chef de l’État a déroulé des séquences qui révèlent qu’en presque 5 ans, il a appris beaucoup de la politique et que la prochaine présidentielle sera tout sauf une partie où on ne compte pas avec lui.
Profitant sans doute de cette tendance plus politique que le président béninois exprime depuis Savè jusqu’à Bassila, le ministre de l’Enseignement Maternel et Primaire s’est offert une liberté qui mérite sanction. En tournée politique, Salimane Karimou a installé ses unités de combat politique à lui. Il s’agit des cellules départementales du Front d’Action pour la Continuité (FAC). Un mouvement politique porté en majorité par des enseignants et qui vise la réélection de Patrice Talon. C’est le mouvement du ministre et, ce même moment où le chef de l’État était dans le septentrion, Salimane Karimou aussi y était. Il a installé les coordinations départementales du Nord.
Politique et conflit d’intérêts politiques
Dans la Donga où nous avons pu suivre de près l’installation de la coordination départementale, les dirigeants de la structure départementale ne sont d’autre que les responsables de la circonscription scolaire. Directeurs départementaux, responsables au déploiement et d’autres incontournables membres de l’appareil de l’enseignement maternel de la localité. Il faut ajouter à tout ceci quelques acteurs syndicaux du secteur. La question qui en découle est comment donc ces militants pourront gérer les enseignants reconnus pour leur activisme prononcé pour d’autres partis, mouvements et groupes politiques surtout ceux de l’opposition ?
Salimane Karimou, en faisant ce qu’il fait, nous ramène dans la réalité que tout le monde feint de ne pas voir : en politique, la seule chose de vraie qui change, c’est le faux colorant que brandit chaque action du peintre, le communicant. Du temps de Boni Yayi, des enseignants ont souffert par milliers de leurs colorations politiques. Les mutations ont souvent été opérées en suivant ces détails-là.
Même si le ministre est de bonne foi et qu’il n’engage pas ses actions politiques sur les chemins tortueux, malpropres que nous imaginons, comment pourra-t-il se porter garant de la bonne conduite de ses lieutenants politiques qui en même temps sont les commis de l’État ? Comment peut-il s’assurer que ces derniers ne vont pas maltraiter leurs collègues qui ne sont pas de leur mouvement politique. Il y a à craindre une confrontation, une chasse aux sorcières contre les agents de l’État connus pour leur activisme politique dans des mouvements, groupes et partis politiques autres que le FAC. Il faut redouter aussi une réprimande dans les gestes à l’égard des agents de l’État connus pour être membres des partis de l’opposition. Le comble du conflit d’intérêt est qu’il y a à craindre aussi des récompenses politiques à l’égard de bons éléments (des enseignants frontistes pour la continuité) affiliés au mouvement du ministre.
Des commis de l’État en charge de l’éducation au niveau déconcentré, payés pour cette tâche et qui sont aux ordres administratifs et en même temps politiques. Cette confusion de prérogatives qu’est pour Salimane Karimou d’être en même temps boss par tutelle et patron politique est indécente. Elle peut, si Patrice Talon ne l’arrête, inaugurer une ère où nous aurons au pays, autant de mouvements politiques que nous avons de ministres. Chaque ministre puiserait alors dans ses bureaux déconcentrés pour remplir son mouvement. C’est pire que d’où nous venons et ça, Patrice Talon ne devrait pas laisser faire.